En 1998, ils sont sortis des milieux de travail, puis, en 2005, des bars et des restaurants. Bientôt les fumeurs québécois seront à nouveau battus en brèche : fumer deviendra interdit sur les terrasses des bars et des restaurants.

La ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, déposera la semaine prochaine un projet de loi qui fera grincer des dents les multinationales du tabac. Signe des temps, l'ancienne Loi sur le tabac deviendra Loi concernant la lutte contre le tabagisme. Les propositions du ministère de la Santé ont soulevé pas mal de houle au Conseil des ministres mais surtout au caucus des députés libéraux où elles ont été présentées, cette semaine.

Minoritaire, mais tout de même important, un groupe d'élus s'interrogeait sur cette nouvelle atteinte aux libertés personnelles. Dans des interventions musclées, ils se sont insurgés contre une intrusion toujours plus grande du gouvernement dans la vie privée. On leur a expliqué que la fumée secondaire, susceptible de se répandre sur les terrasses, d'atteindre les enfants, n'était pas filtrée et par conséquent encore plus nocive que celle aspirée par les fumeurs.

Clairement, à l'approche de l'été, les dispositions sur le tabagisme sur les terrasses sont susceptibles de soulever un débat. On peut toutefois prévoir que le projet de loi ne sera pas adopté avant l'ajournement de juin; il y aura une longue consultation comme en 2005 quand, responsable de la Santé, Philippe Couillard avait déjà mis de l'avant des mesures musclées. Hier, Philippe Couillard paraissait toujours volontaire. Le projet de loi «ira dans la direction de ne pas se satisfaire du taux actuel de tabagisme», observe-t-il, relevant que la consommation n'était plus en recul depuis plusieurs années. Une flopée d'amendes, déjà prévues, seront augmentées.

Comme l'Ontario

Selon les informations obtenues par La Presse, la loi interdira aussi de fumer à bord d'une automobile en présence d'enfants mineurs, «de moins de 16 ans», une mesure que vient d'adopter l'Ontario. On ne pourra plus fumer non plus dans les aires communes d'une habitation de plus deux logements - on est à cinq actuellement.

Le Québec suivra aussi l'exemple de l'Ontario qui vient de décider de proscrire le tabac aromatisé, à l'exception du menthol. Ces nouveaux produits sont populaires auprès des jeunes. Il sera interdit de vendre des produits «comportant une saveur ou un arôme autre que ceux du tabac», Québec ne fait pas d'exception pour le menthol, populaire aux États-Unis, ce qui irritera les manufacturiers. Les cigarettes électroniques pourront, elles, rester «aromatisées».

Un affrontement avec l'industrie

Québec bougera aussi sur le front de l'empaquetage des cigarettes, ce qui provoquera une autre collision avec l'industrie. Les groupes anti-tabagisme préconisent l'adoption d'un «paquet neutre» sans couleur éclatante, ne faisant mention que de la marque de commerce du manufacturier. L'industrie plaide que ces dispositions relèvent d'Ottawa, le ministère de la Santé soutient le contraire. Le projet de loi supprimera l'obligation pour Québec d'harmoniser ses normes à celles des autres provinces pour le contenant ou l'emballage. Les sociétés ne pourront plaider qu'il faut des emballages uniformes dans tout le pays, déjà certains de leur produit fait l'objet d'une promotion différente au Québec.

Sur la cigarette électronique, surnommée «vaponette», Québec compte aussi intervenir. «Plusieurs personnes disent que c'est important. Je note que plusieurs médecins et scientifiques disent que cela peut aider à se débarrasser» de la dépendance au tabac, a souligné le premier ministre Couillard, hier. Aussi Québec veut légiférer pour que l'usage des cigarettes électroniques, la vente, la publicité soient balisés de la même manière que pour les cigarettes traditionnelles.

Une personne sur cinq

Un Québécois sur cinq est affecté par le tabagisme, et les études du ministère de la Santé observent que le rythme de réduction de la consommation a ralenti depuis 2006. Actuellement 22% des Québécois de plus de 12 ans sont fumeurs. Le Québec est dans le peloton de tête parmi les provinces pour le tabagisme, la Colombie-Britannique ferme la marche avec 15% de fumeurs.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Lucie Charlebois, ministre déléguée à la Santé publique