Les plaintes pour vol et fraude commis par des préposés aux bénéficiaires contre des personnes âgées sont en hausse, révèle la Fédération professionnelle des préposés aux bénéficiaires du Québec (FPBQ). Le temps est venu de créer un «simili-ordre professionnel» pour protéger le public et valoriser le travail des préposés, estime l'organisation.

L'an dernier, la FPBQ a reçu 78 plaintes pour vol et fraude commis par des préposés aux bénéficiaires. «Ce n'est que la pointe de l'iceberg», affirme son président, Michel Lemelin. Car la FPBQ est méconnue et n'est pas un ordre professionnel. Elle incite les plaignants à s'adresser aux policiers, dans la mesure où les faits allégués sont de nature criminelle.

Les crimes allégués sont survenus principalement chez des personnes âgées, qui reçoivent des soins à la maison (44%, contre 23% dans les CHSLD et 16% dans les résidences pour personnes âgées).

Une préposée arrêtée

L'une des plaintes reçues par la FPBQ a mené à une arrestation, l'automne dernier. Une préposée de Montréal a été accusée d'avoir volé plus d'un demi-million de dollars à ses patients, a signalé La Presse le 31 octobre. De 2012 à 2014, la préposée Tatiana Proskurina, qui offrait des services à domicile, aurait utilisé des chèques ou des cartes de crédit pour soutirer de l'argent à des patients âgés. Elle aurait contracté un prêt en argent et détourné le contenu d'un compte bancaire en se faisant passer pour une de ses victimes. Elle serait toujours en attente de son procès, selon la FPBQ.

Dans une lettre datée du 16 avril et adressée au ministre Gaétan Barrette, Michel Lemelin relate des échanges avec une sergente-détective du SPVM, responsable du traitement des plaintes pour fraude contre les personnes âgées. Selon elle, écrit M. Lemelin, «il y a une augmentation fulgurante [des] cas de fraude reliée aux personnes vulnérables émanant de préposés aux bénéficiaires». Relancé par La Presse, le porte-parole du SPVM, Ian Lafrenière, a soutenu que le corps de police «ne peut confirmer» cette affirmation, mais «ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas [de fraudes faites par des préposés aux bénéficiaires]». Michel Lemelin maintient dur comme fer que le SVPM lui a parlé d'une «multiplication» de cas.

Pour un ordre professionnel

La FPBQ plaide pour la création d'une «corporation professionnelle», une organisation semblable à un ordre professionnel. «Elle aurait le mandat de protéger le public et de redonner ses lettres de noblesse aux préposés», soutient Michel Lemelin. L'adhésion à cet ordre serait obligatoire. Tout préposé devrait détenir une formation reconnue et obtenir un permis, après vérification des antécédents judiciaires. Il y aurait également un processus d'inspection professionnelle. À l'heure actuelle, l'adhésion à la FPBQ est volontaire. Environ 600 préposés aux bénéficiaires en sont membres. Il y en a environ 75 000 au Québec.

En décembre dernier, la coroner Andrée Kronström a recommandé au ministère de la Santé de créer une «nouvelle entité professionnelle dont l'adhésion serait obligatoire». «Ces mécanismes servent généralement à protéger le public ainsi qu'à mieux encadrer leurs membres. Ainsi, des accidents pourraient être prévenus et ultimement des décès», dit-elle dans un rapport sur la mort de Geneviève Saillant, 87 ans, survenue en 2010 à la suite d'une chute dans une résidence pour personnes âgées. La Coalition avenir Québec (CAQ) appuie elle aussi les demandes de la FPBQ. «Il faut une entité professionnelle pour protéger le public et encadrer le travail des préposés. Ça permettrait aussi de valoriser davantage ces gens-là, qui travaillent dans des conditions qui ne sont pas faciles», affirme le député François Paradis.

Barrette interpellé

La FPBQ profite de la Journée nationale des préposés aux bénéficiaires, aujourd'hui, pour solliciter une rencontre avec le ministre de la Santé. Mais Gaétan Barrette s'en remet à d'autres pour juger de la pertinence de la création d'un ordre professionnel. «Toute initiative pour structurer le travail est positive, car ce seront les patients qui en bénéficieront. Cette démarche doit cependant être faite auprès de l'Office des professions du Québec», a-t-il fait savoir, hier. De son côté, la CSN, qui représente environ 20 000 préposés aux bénéficiaires surtout dans le réseau public, juge qu'un ordre professionnel «n'est pas nécessaire». Le vice-président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Guy Dorion, demande plutôt d'intégrer systématiquement les préposés au sein des équipes de soins dans les établissements et de rehausser la formation continue.

Nombre de plaintes pour vol et fraude

• 2014: 78

• 2013: 53

• 2012: 66

• 2011: 44

• 2010: 45

• 2009: 27

• 2008: 11