Le Dr Richard Le Blanc, hématologue autiste qui se bat devant les tribunaux pour retrouver son poste au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS), se trouve au coeur d'une bataille d'experts qui prend une tournure particulière. La Cour supérieure vient d'autoriser le chef du département de psychiatrie de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal (hôpital Louis-H. Lafontaine) à assister, « derrière une vitre-miroir », à un nouvel examen psychiatrique du médecin.

En congé de maladie depuis mars 2012, le Dr Le Blanc a reçu un diagnostic de syndrome d'Asperger dans les mois qui ont suivi son arrêt de travail.

Ce syndrome, caractérisé par des difficultés à tisser des relations interpersonnelles, s'accompagne souvent de capacités scientifiques et techniques hors du commun. L'incapacité à décoder le langage non verbal des individus et à saisir les rouages politiques des organisations est également un trait fréquent.

Le diagnostic d'autisme du Dr Le Blanc a été confirmé par au moins trois experts, qui le jugent apte au travail. Mais le CHUS, sur la base d'un rapport d'expertise très défavorable mené par le psychiatre Martin Tremblay, refuse de le réintégrer dans ses fonctions d'hématologue.

Ce rapport le décrit comme un être potentiellement dangereux. L'hôpital lui interdit même de mettre les pieds dans l'établissement, sauf pour y recevoir des soins médicaux.

Le Dr Le Blanc a eu plusieurs conflits avec des collègues médecins du département d'hémato-oncologie du CHUS au fil des années. L'ex-ministre de la Santé Réjean Hébert, ancien doyen de la faculté de médecine, l'a décrit comme « un homme extrêmement compétent, mais qui a de sérieux problèmes de relations interpersonnelles ». Mais selon le Dr André Plante, qui a dirigé le département d'hémato-oncologie du CHUS par intérim, les problèmes du médecin autiste s'expliquent aussi en partie par le caractère « complètement dysfonctionnel » du milieu dans lequel il travaillait.

Sans salaire, se disant victime d'un « préjudice de nature réputationnelle » et fort de trois rapports d'experts le déclarant apte au travail, le Dr Le Blanc a déposé récemment une demande d'injonction en Cour supérieure pour forcer l'hôpital à le réintégrer dans ses fonctions. Le CHUS a répliqué en exigeant qu'une nouvelle évaluation psychiatrique du Dr Le Blanc soit menée par le Dr Martin Tremblay.

Or le Dr Le Blanc a obtenu de la Cour supérieure que le Dr André Luyet, chef du département de psychiatrie de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, puisse assister à titre d'observateur à cette nouvelle expertise « derrière une vitre-miroir, à condition de bien voir et entendre ». L'examen psychiatrique a eu lieu le samedi 18 avril. Les conclusions des deux psychiatres-experts pourraient éventuellement être mises en opposition si le psychiatre du CHUS dépose un nouveau rapport négatif au sujet du Dr Le Blanc.

En 2011, le Dr Le Blanc avait présenté une pétition favorable signée par 683 de ses patients lorsque certains de ses collègues ont réclamé sa destitution à la suite de conflits. Il est maintenant représenté par MeJean-Pierre Ménard, qui défend les victimes d'erreurs médicales.