Les discussions se poursuivent entre le gouvernement Couillard et les démissionnaires du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Le patron de l'hôpital, Jacques Turgeon est toujours à évaluer «la main tendue» par Québec vendredi dernier.

Les conclusions d'une réunion des chefs de département du CHUM hier sont restées confidentielles, mais selon les informations obtenues par La Presse, ces cadres ont rappelé au démissionnaire Turgeon qu'il «faisait partie de la solution» et l'ont incité à reconsidérer sa démission de la semaine dernière.

Il est acquis que le premier ministre Philippe Couillard interviendra, mais en bout de course, ultimement uniquement. Car jusqu'ici, les tractations sont passées essentiellement par son cabinet; le ministre Gaétan Barrette est en vacances pour une semaine, tout comme son chef de cabinet, Daniel Desharnais.

Mais au coeur d'une crise frappant le plus important hôpital du Québec, le gouvernement Couillard a décidé de pointer ses canons vers les mutins du CHUM. Jean-Claude Deschênes et Paul Perrotte, ceux qui ont démissionné pour protester contre l'ingérence du ministre Barrette sont des sympathisants du Parti québécois, soutient-on au gouvernement, où on voit une bataille politique derrière la fronde de la semaine dernière.

Le Dr Perrotte était au centre de la fronde qui a forcé le départ de Christian Paire, il y a un an. «Avec Alain Cousineau, cinq ou six personnes du conseil du CHUM avaient alors démissionné à la suite de l'intervention du Dr Réjean Hébert», de confier à La Presse un membre du C.A. du CHUM à l'époque. Selon le Directeur général des élections, le Dr Perrotte a contribué 500$ à la caisse de Pierre Karl Péladeau dans sa course à la direction du PQ; il avait versé 1000$ à la CAQ en 2012.

On retrouve plusieurs contributions de Jean-Claude Deschênes au PQ depuis l'an 2000. Il avait été sous-ministre de Denis Lazure au début de sa carrière dans la fonction publique, un parcours où il a remporté plusieurs prix d'excellence. Joint par courriel, il s'est refusé à tout commentaire.

Porte ouverte

Toute la journée du côté du gouvernement du Québec, on a tenté de maintenir ouverte la porte qui n'avait pas été fermée par le Dr Turgeon vendredi. On souhaitait «revenir à la case départ» avant que n'éclate l'affrontement avec le ministre Barrette.

«Turgeon est toujours ouvert, et le ministre Barrette lui a souligné qu'il a toujours été le choix du gouvernement», affirme-t-on. On l'a assuré qu'il aurait son mot à dire en ce qui concerne la formation du futur conseil d'administration qui sera mis en place en avril.

À Québec, on souligne que M. Turgeon n'a pas laissé une indemnité de départ sur la table, en dépit de ses affirmations. Il savait qu'il allait être renommé par le gouvernement dans la refonte d'avril, le Dr Barrette l'en avait assuré, soutient-on. Mais on oublie sciemment de souligner que s'il avait choisi de partir, M. Turgeon aurait vraiment bénéficié de son année de salaire.

Quant au Dr Patrick Harris, que le ministre Barrette voulait voir confirmer dans le poste stratégique de patron de la chirurgie au CHUM «son sort relève du conseil d'administration, pas du ministre Barrette» dit-on au gouvernement.

Depuis vendredi, 4 des 19 membres du conseil d'administration du CHUM ont démissionné pour protester contre l'ingérence du ministre Barrette dans la nomination du futur chef du département de chirurgie. La Presse a joint quelques-uns des autres membres, hier, pour connaître leurs intentions.

Si Québec choisit de ne pas ramener Jacques Turgeon à la direction de l'hôpital, le président de la Mission Old Brewery, Matthew Pearce, avoue qu'il sera «en réflexion». «Je crois que le ministre Barrette peut ramener la situation et reconduire M. Turgeon dans ses fonctions. S'il est prêt à le faire, je veux l'épauler. Sinon, je vais réfléchir», a confié M. Pearce.

«Nous jugeons important de continuer d'avoir notre voix au CHUM. La doyenne n'a pas l'intention de démissionner», affirme Geneviève Bouchard, directrice du cabinet d'Hélène Boisjoly, doyenne de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.

Benoît Pagé, directeur général du Collège Ahuntsic, approuve. «Je suis en réflexion. On entend que des pourparlers sont en cours pour ramener M. Turgeon en poste. Mais [...] peu importe ma décision, je ne ferai pas de geste d'éclat avec ça, car mes fonctions au Collège ne me le permettent pas.»

Pour le conseiller en gestion W. Robert Laurier, l'heure est toujours à «la réflexion. Mais je crois que ce n'est pas le temps de laisser le bateau.»