Aux prises avec différentes allégations allant de l'intimidation à la mauvaise gestion, six des neuf programmes du département de chirurgie de l'Université de Montréal sont en sursis auprès du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, a appris La Presse.

Les responsables de ces programmes doivent revoir leurs façons de faire, sans quoi le Collège royal pourrait suspendre leur accréditation. Questionné à ce sujet, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, confirme l'information et déclare que le département de chirurgie de l'Université de Montréal traverse une «crise».

À cette crise des programmes universitaires de chirurgie s'ajoute le départ du directeur général du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), Jacques Turgeon, qui a annoncé hier sa démission. M. Turgeon a dénoncé le fait que le ministre lui «impose des conditions» pour rester à la tête du CHUM.

«En gros, le ministre voulait que je nomme le Dr Patrick Harris à la tête du département de chirurgie, sans quoi je ne pouvais garder mon poste», a déclaré M. Turgeon, hier après-midi, quelques minutes avant de prendre un avion.

«Monsieur le Ministre, je considère que l'imposition de cette condition relève d'une ingérence politique inacceptable et d'un abus de pouvoir», a écrit M. Turgeon dans sa lettre de démission.

Dans la foulée de l'adoption du projet de loi 10, les directeurs généraux des CHU de Montréal perdaient leur poste au 31 mars pour être remplacés, au 1er avril, par des présidents-directeurs généraux (PDG). Jacques Turgeon avait soumis sa candidature pour continuer de diriger le CHUM. Mais cette controverse l'amène à quitter son poste.

Le président du conseil d'administration du CHUM, Jean-Claude Deschênes, et M. Turgeon ont convoqué les médias ce matin.

Barrette «déçu»



Le ministre Barrette a réagi hier midi en conférence de presse en se disant «déçu» de la démission de M. Turgeon. Celui-ci ne touchera pas d'indemnité de départ, puisqu'il démissionne de son propre chef. «J'avais confiance dans le directeur général [...] Il était pressenti pour être tout simplement reconduit dans les nominations. Il a décidé, dans le contexte actuel, de démissionner, et c'est sa prérogative», a dit le ministre.

Le ministre Barrette a expliqué que depuis l'été dernier, «le CHUM est aux prises avec un certain nombre de guerres de clans internes qui nuisent non seulement au bon fonctionnement du département de chirurgie, mais aussi à celui de l'hôpital». Plus précisément, le processus de sélection du nouveau chef du département de chirurgie du CHUM a suscité une vive controverse.

En gros, le comité de nomination du nouveau chef de département de chirurgie, auquel siégeait M. Turgeon, recommandait qu'un urologue du CHUM prenne la tête du département de chirurgie. Or, une majorité des chirurgiens du CHUM souhaitaient plutôt que le Dr Patrick Harris, à la tête du département depuis 10 ans, soit renommé.

Au cours des derniers mois, le ministre avait été prié à maintes reprises d'intervenir dans le dossier.

Le ministre Barrette a expliqué qu'il avait rencontré M. Turgeon lundi dernier. Il lui aurait alors suggéré d'envisager «de maintenir en poste les sept chefs de départements» du CHUM, dont celui de chirurgie, d'ici le déménagement de l'hôpital, en été 2016. «Le CHUM vit une période critique et la stabilité est importante. Mais je n'ai jamais dit que cela était conditionnel à sa nomination», martèle le ministre, qui ajoute qu'il a été surpris de voir que M. Turgeon disait avoir déjà un prochain candidat en vue pour diriger le département de chirurgie, alors que le processus de sélection était loin d'être terminé.

C'est le ministre qui nommera le successeur permanent de M. Turgeon à la tête du CHUM. D'ici là, le conseil d'administration du CHUM désignera un directeur intérimaire.

- Avec la collaboration de Martin Croteau