Une nouvelle étude de la Défense nationale montre que les soldats avec des problèmes de santé mentale, particulièrement ceux avec des maladies reliées à la guerre en Afghanistan, risquent beaucoup plus d'être déclarés inaptes au service militaire. Près de 70 % d'entre eux peuvent s'attendre à être mis à l'écart avant d'avoir complété dix ans de déploiement à l'étranger.

Les services de santé des Forces armées canadiennes ont révisé les dossiers médicaux de plus de 30 000 soldats ayant été déployés dans le cadre de la campagne afghane de près de douze années.

L'étude s'attarde à l'impact sur la carrière à long terme des troubles mentaux reliés au service militaire et du principe d'universalité du service des Forces canadiennes, qui requiert que tous les membres soient aptes à être déployés tant au pays qu'à l'étranger.

À l'automne 2013, plusieurs soldats, dont bon nombre souffrant de stress post-traumatique, ont déclaré publiquement qu'ils étaient jugés inaptes et écartés sans délai des rangs militaires.

L'analyse, menée par Mark Zamorski et David Boulos, montre que cinq ans après le premier déploiement, 40 % des soldats avec un diagnostic de problèmes de santé mentale avaient probablement développé des restrictions à leur carrière qui entraîneraient leur retrait de l'armée, comparativement à 11 % pour les soldats sans problèmes importants de santé.

Après dix ans, les données grimpent à 68,8 % des soldats avec un diagnostic de troubles mentaux, comparativement à 19,8 % pour les autres soldats.

Le docteur Mark Zamorski, de la Défense nationale, a fait valoir que le constat était malheureux, mais dans l'ordre des choses, compte tenu surtout des strictes exigences de condition physique dans l'armée.

La Défense nationale a investi beaucoup de temps et d'efforts pour convaincre les soldats souffrant de maladies mentales de demander de l'aide, mais la crainte de compromettre leur carrière par cet aveu a représenté un obstacle majeur dans la campagne d'«auto-identification».

L'ancien ombudsman des anciens combattants Pat Stogran a fait valoir qu'il s'agissait d'une crainte réelle, ajoutant que cette nouvelle étude apporterait peu de réconfort.

«Les soldats en parlent comme d'aller sur l'île des rêves brisés. C'est une condamnation à mort de sa carrière», a soutenu M. Stogran.

Être diagnostiqué d'une condition médicale psychologique ou physique limitant les capacités ne signifie pas une mise à l'écart automatique, mais cela fait démarrer la machine, expose M. Zamorski.

Certaines personnes souffrant de dépression, de stress post-traumatique ou d'anxiété répondent bien aux traitements et peuvent mener des vies productives, mais elles risquent tout de même de ne pas correspondre aux critères de l'universalité du service militaire, a précisé l'auteur.

L'ancien ombudsman des anciens combattants a dit croire que ce principe d'universalité se devait d'être réévalué.

Avant la mission de maintien de la paix en Bosnie dans les années 1990, l'armée faisait de la place pour les soldats écorchés par les conflits passés, leur donnant des tâches dans les bases qui étaient essentielles mais qui n'impliquaient pas d'opérations sur le terrain, a rappelé M. Stogran.

«Tout ce qu'ils veulent, c'est avoir encore le sentiment de pouvoir contribuer au sein de l'équipe d'une quelconque façon, a-t-il fait valoir. En fait, cela est très thérapeutique.»