Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, s'engage à moduler la charge de travail exigée des médecins selon le type de clientèle qui fréquente leur cabinet.

Il n'est donc pas question d'imposer à un médecin qui voit des personnes âgées et des toxicomanes les mêmes quotas de patients que ce qui sera exigé du médecin dont la clientèle est constituée de patients jeunes et en bonne santé, a réaffirmé mardi M. Barrette, se réclamant du gros bon sens.

D'entrée de jeu, le ministre Barrette a tenu à remettre les pendules à l'heure, mardi matin, en point de presse, avant que débute la consultation sur son controversé projet de loi 20, qui aura pour effet d'imposer des quotas de patients aux médecins, sous peine d'encourir d'importantes pénalités financières réservées à ceux qui refuseront d'atteindre les seuils édictés par Québec.

Si le projet de loi 20 est adopté tel quel, les médecins de famille pourraient voir leur rémunération amputée jusqu'à 30 pour cent, une avenue rejetée catégoriquement par les regroupements de médecins qui jugent la démarche du ministre coercitive et insultante.

La charge de travail va varier selon le profil de pratique du médecin, a insisté le ministre Barrette, cherchant à se faire rassurant et à calmer la grogne des médecins.

«Qu'on arrête de construire des épouvantails», a plaidé le ministre, qui demeure persuadé qu'avec une meilleure organisation de leur pratique, les médecins pourraient voir davantage de patients, donc faciliter l'accès aux soins et diminuer les listes d'attente.

«Je veux des engagements clairs, précis, mesurables, dont la profession médicale elle-même sera imputable», a renchéri le premier ministre Philippe Couillard, en se posant la question suivante au cours d'une conférence de presse sur un autre sujet: «Est-ce que c'est nécessaire de légiférer? On verra.»

De son côté, l'opposition péquiste a réclamé du ministre qu'il dépose dès maintenant, par souci de transparence, les règlements devant accompagner son projet de loi, en précisant déjà le nombre minimal de patients à voir.

Mais M. Barrette a refusé, faisant valoir que ce n'était pas là la façon habituelle de procéder sur le plan des règles parlementaires et jugeant que la porte-parole péquiste, la députée Diane Lamarre, cherchait à faire diversion avec «des tactiques» visant à ne pas se prononcer sur le fond de la question.

Il estime qu'il serait «très cavalier» de publier les règlements avant même d'avoir entendu les propositions du milieu durant la consultation.

C'est un fait que Mme Lamarre refuse de dire si elle rejette ou non le projet de loi 20. Elle justifie sa position en faisant valoir qu'elle ne possède pas toutes les informations nécessaires pour se prononcer.

«La première chose, c'est d'avoir une transparence au niveau des règlements. (...) On n'a pas la vérité complète. Le ministre, lui, il pense qu'il a la vérité absolue, tout seul dans sa tête», a commenté Mme Lamarre en point de presse, dénonçant ce qui lui apparaît être un «manque de transparence inacceptable».

Le Collège des médecins a renchéri, déplorant lui aussi que le ministre refuse de divulguer les modalités d'application du futur règlement qui découlera du projet de loi. Le ministre demande aux médecins «de faire un acte de foi», a estimé le président-directeur général du collège, le docteur Charles Bernard, qui n'a pas caché ses appréhensions. Il a dit souhaiter plus de transparence de la part du gouvernement.

Le ministre Barrette lui a demandé si le seul fait de fixer des volumes de patients aux médecins risquait de «générer des pratiques dangereuses». Le docteur Bernard a soutenu que le changement allait amener le Collège des médecins à s'assurer que les volumes fixés n'empêcheront pas ses membres de «respecter les normes» de qualité en vigueur.

Le porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Paradis, refuse-lui aussi de dire s'il rejette ou non le projet de loi, préférant dire qu'il n'est pas nécessaire d'être aussi «punitif». «Toute la notion punitive de la loi actuellement, c'est ce qui est décrié beaucoup. C'est une loi qui est coercitive», selon le député.

Chez Québec solidaire, le député Amir Khadir a estimé que le ministre Barrette posait le bon diagnostic, en identifiant le problème de l'accessibilité, tout en estimant que le projet de loi 20 risquait «d'aggraver le problème» au lieu de le régler.

Le ministre Barrette, convaincu que son projet est essentiel pour faciliter l'accès à un médecin, veut faire adopter la législation avant l'ajournement de juin. La consultation se poursuivra jusqu'au 25 mars.