Jean s'est présenté à une clinique sans rendez-vous avec une profonde coupure à un doigt. Son médecin exigeait des frais de 45 $ pour l'anesthésie locale et des points de suture. Il n'avait pas assez d'argent. Son doigt a donc été recousu sans anesthésie.

Afin de contrer ce phénomène, un tout premier registre a été mis en ligne hier permettant maintenant de dénoncer anonymement les frais illégaux ou abusifs chargés par les médecins.

Il s'agit d'une initiative de la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, mais le registre est ouvert à tous les patients, partout au Québec.

L'objectif est de documenter et de faire pression sur le ministère de la Santé afin que la Loi sur l'assurance maladie soit appliquée ou modifiée pour limiter les abus, a expliqué Geneviève Dorval, du comité de lutte en santé de la Clinique de Pointe-Saint-Charles, lors d'une conférence de presse à Montréal, hier. «On pense que le registre sera assez pesant pour démontrer que la situation est urgente», dit-elle. Un rapport sera également rendu public chaque année.

La surfacturation des frais accessoires est en progression depuis environ huit ans, selon Isabelle Leblanc, présidente des Médecins québécois pour un régime public. «On le voit surtout dans les consultations externes», dit-elle.

«Le problème est criant, c'est rendu qu'on va remplacer sa carte d'assurance maladie par une carte Visa», poursuit l'avocat Bruno Grenier, qui représente d'ailleurs des citoyens qui ont déposé un recours collectif contre la RAMQ, le ministère de la Santé et 51 cliniques et médecins, en juillet dernier.

Parmi les cas réels présentés hier, mais dont les noms ont été changés pour préserver leur anonymat, il y a celui de Jean, qui a payé des frais abusifs, mais aussi celui de Marjorie, qui a reçu une facture de 200 $ pour un examen médical exigé par un futur employeur, ou celui de Nadia, qui a fait vacciner son bébé en clinique et a dû payer des frais d'honoraires d'aide au médecin et de matériel d'injection. Une facturation illégale qui s'élève à 55 $.

Pas assez de personnel

«La loi doit être appliquée, mais la RAMQ nous dit qu'ils n'ont pas assez de personnel pour enquêter, il y a peut-être un peu de manque de volonté politique», a affirmé Mme Leblanc.

Jointe au téléphone, Joanne Beauvais, attachée de presse au cabinet du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a toutefois rappelé que le Collège des médecins a modifié son code de déontologie en janvier dernier.

Le code précise désormais que les médecins ne pourront réclamer des sommes «disproportionnées» pour des produits ou médicaments. «Ça laisse encore une marge pour les médecins et j'ai hâte de voir quelle sera cette marge, indique Me Bruno Grenier. Pour le savoir, il faudra attendre de voir les plaintes et décisions qui s'en suivent.»