L'Unité permanente anticorruption (UPAC) dit avoir été informée que la direction de l'Hôpital général juif a tenté de stopper une enquête interne qui était en train de mettre à jour un véritable nid de corruption. Mais la direction de l'hôpital nie tout et accuse les enquêteurs d'avoir colporté des faussetés dans les documents justifiant leurs perquisitions.

Les prétentions de l'UPAC sont contenues dans de nouveaux documents judiciaires rendus publics vendredi matin à la suite des démarches en cour de plusieurs médias, dont La Presse.

Un récit assermenté de 57 pages, rédigé par une enquêteuse fiscale rattachée à l'UPAC, raconte ainsi comment les autorités ont été alertées sur les problèmes au sein de l'hôpital. Le document visait à convaincre un juge d'autoriser une série de perquisitions en octobre dernier, mais la direction de l'hôpital affirme aujourd'hui qu'il est truffé de faussetés.

L'enquêteur qui a rédigé le document affirme se baser en grande partie sur les dénonciations d'Yves Lemay, coordinateur des relations de travail à l'hôpital. Après la parution d'un article dans le Journal de Montréal en septembre 2013, lequel soulevait des doutes quant à des conflits d'intérêts, Lemay avait été chargé de mener une enquête interne avec l'assistance de la firme de juricomptables Navigant.

«L'enquête fut positive», aurait raconté M. Lemay à l'UPAC par la suite. Un problème de corruption aurait effectivement été décelé dès cette époque

L'enquêteur de l'UPAC affirme qu'Yves Lemay a raconté aux autorités qu'il a été forcé d'arrêter subitement son enquête interne à la demande de sa supérieure immédiate, le 28 novembre 2013.  Les motifs invoqués étaient le coût trop élevé et l'absence d'éléments de preuve concluants, mais M. Lemay voyait là un faux prétexte, toujours selon l'UPAC.

«Selon les informations obtenues de monsieur Yves Lemay, l'enquête interne qu'il menait de concert avec la firme Navigant fut arrêtée pour ne pas qu'ils découvrent d'autres irrégularités», lit-on dans le document assermenté.

Des faussetés, réplique la direction

«Une telle allégation est complètement fausse et sans fondement», a répliqué vendredi Glenn J. Nashen, directeur des affaires publiques de l'Hôpital général juif.

L'UPAC raconte aussi que M. Lemay a contacté la police pour tout dénoncer après l'arrêt de l'enquête interne.

De concert avec ses patrons, M. Lemay a aussi nié cette affirmation dans une lettre envoyée aux médias jeudi. «Je n'ai pas fait de dénonciation via la ligne de dénonciation de l'UPAC tel que rapporté dans le document auquel vous faites référence», assure-t-il.

Il nie avoir eu la directive de cesser «subitement» son enquête interne et nie aussi avoir suggéré à la police que celle-ci avait été stoppée pour éviter la découverte d'autres irrégularités.

Rappelons que l'enquête policière est toujours en cours à ce jour et personne n'a été accusé de quoi que ce soit pour l'instant.

Travaux dans des résidences et un bar

Par ailleurs, l'UPAC a dit avoir découvert que pendant les travaux de construction à l'hôpital en 2012, des compagnies embauchées par l'établissement ont fait des travaux à la résidence personnelle de deux cadres de l'établissement: Philippe Castiel et Kotiel Berdugo (les deux ont quitté leur poste depuis).

Des rénovations ont aussi été faites chez des membres de la famille de Berdugo et chez une ancienne adjointe de l'un d'eux, ainsi que dans le bar d'un ami d'un autre cadre, Jeffrey Fields.

Les cadres impliqués le nient, mais des travailleurs ont confirmé à la police que ces travaux étaient facturés à l'hôpital.

Des travailleurs ont aussi déclaré qu'en échange d'un pot-de-vin de 50 $ par jour, Jeffrey Fields leur permettait de partir en vacances et de continuer d'être payés comme s'ils travaillaient sur le chantier de l'hôpital.

Par ailleurs, la principale entreprise de construction ciblée par l'enquête, R.A. Rénov-Action, aurait eu recours en même temps à des montagnes de fausses factures pour frauder le fisc, toujours selon l'UPAC.