« Non, la médecine familiale ne va pas s'effondrer, réplique le ministre Gaétan Barrette dans une entrevue exclusive qu'il nous a accordée. Les craintes d'effondrement sont nettement exagérées. Je suis dans la réorganisation, et non dans la destruction. »

Le ministre de la Santé se dit même convaincu qu'avec sa loi, tout le monde aura accès à un médecin. Qui plus est, les omnipraticiens retireront beaucoup de satisfaction de leur pratique. Le problème, selon lui, c'est qu'il y a une grande méconnaissance de la loi 20, de sorte que les scénarios apocalyptiques se propagent dans la communauté médicale. Et pourquoi ne pas donner plus de détails pour juguler la panique et la grogne ? « Je ne peux pas donner tous les détails de la loi 20 pour des questions politiques, soutient-il. L'Assemblée nationale m'empêche de parler de certains éléments. Je respecte les règles de bienséance parlementaire. Mais un moment donné, je vais me tanner. »

Les femmes

Le ministre s'est fait reprocher à plusieurs reprises ses propos sur les femmes. Est-il possible pour les médecins de concilier travail et famille ? Est-il possible d'exercer à temps partiel pour s'occuper de ses enfants ? Ou faut-il opter pour une autre carrière ? Selon le ministre, au travail de médecin sont liés une responsabilité sociale et des privilèges financiers. « Quand on va en médecine, il y a un contrat social non écrit, il y a une responsabilité de donner des services. Au même titre que les femmes dans la population en général n'ont pas ce loisir-là, je pense qu'il est raisonnable d'exiger pour les femmes médecins la même chose que l'on exige de toutes les femmes sur le marché du travail. »

Le ministre ne croit pas que la seule solution à l'accessibilité des médecins serait de contrôler les admissions en médecine en imposant 50 % des femmes et 50 % d'hommes. « Je l'ai déjà mis sur la table, et j'ai reçu une volée de bois vert. C'est encore un sujet tabou. La promotion de cette option ne viendra pas de moi aujourd'hui. Il faudra que ça vienne des femmes. »

La génération Y qui veut jouir d'une bonne qualité de vie

« On arrive dans un pic, parce qu'il y a un changement de génération, et les jeunes veulent la qualité de vie dans un secteur d'activité qui commande des services. Alors c'est l'opposition du besoin de l'individu au besoin de la collectivité. Quand je le mentionne, ce n'est pas que je méprise les jeunes, c'est que je mets le doigt sur le problème. » Le ministre assure qu'avec la loi 20, il n'exigera pas des jeunes qu'ils soient à l'image de l'autre génération. « Je ne veux pas qu'ils soient aussi efficaces que le médecin que vous avez suivi. Je ne leur demande pas de vivre comme leurs parents, je demande un équilibre dans le réseau. »

La solution

Aux yeux de Gaétan Barrette, la clé réside dans une réorganisation du travail. « Je ne veux pas sortir tous les omnipraticiens des hôpitaux, les hôpitaux ne pourraient plus fonctionner. Et si, dans certains hôpitaux, il n'y a plus assez d'omnipraticiens pour assurer le bon fonctionnement, oui les spécialistes seraient demandés en renfort, comme les internistes. »

La clinique idéale du ministre aurait des médecins 42 semaines par année, 5 jours par semaine avec des infirmières. Il y aurait surtout des trous dans la grille de rendez-vous des médecins pour laisser de la place aux patients vraiment malades, l'accès adapté. « Certains médecins ont peur de ne pas avoir assez de patients. Je suis prêt à les compenser financièrement. »