Le Québec achète plus de 50 millions de dollars de plasma par année aux États-Unis. Quatre-vingt-cinq pour cent de la quantité nécessaire à notre production de médicaments à base d'immunoglobuline provient de donneurs américains. Devant l'augmentation constante de la demande des hôpitaux pour ce produit irremplaçable, Héma-Québec a effectué un virage majeur pour réduire sa dépendance envers nos voisins du Sud.

«Il y a de plus en plus de maladies auto-immunes au Québec, explique Marie-Claude Levasseur, infirmière clinicienne en immunologie-rhumatologie à l'hôpital Sainte-Justine. On a besoin de plus en plus d'immunoglobuline parce qu'on trouve de plus en plus de fonctions à cette molécule-là.»

Le plasma est un composant du sang qui peut être utilisé à différentes fins. Il est surtout utilisé dans la fabrication de médicaments pour les grands brûlés et les receveurs de greffe et dans le traitement des troubles de la coagulation sanguine ou des troubles immunitaires.

La quantité de plasma prélevée au Québec ne répond qu'à 15% de la demande. Un taux d'autosuffisance qu'Héma-Québec veut doubler d'ici cinq ans. Or, la demande des hôpitaux augmente d'environ 8% par année. Pour atteindre son objectif, Héma-Québec devra donc voir la quantité de plasma prélevé ici passer de 55 000 à 200 000 litres par année.

«Notre stratégie depuis 2013, c'est d'être autosuffisants à 30%, mais aussi de diminuer nos coûts d'approvisionnement en plasma au niveau de la médiane internationale [...], puisque le coût de prélèvement au Québec est supérieur», a expliqué Laurent Paul Ménard, porte-parole d'Héma-Québec.

Le produit très convoité se vend 190$ le litre à l'échelle internationale, un prix qui fluctue en fonction de l'offre et de la demande. En 2012, le litre de plasma québécois revenait à plus de 300$ le litre.

Besoin de donneurs

Diminuer ses coûts de prélèvement et recruter des donneurs. Deux défis auxquels Héma-Québec a choisi de répondre en investissant dans des centres permanents servant spécifiquement à la collecte de plasma: les centres Plasmavie.

Celui de Trois-Rivières est ouvert depuis l'automne 2013. Saguenay, Sherbrooke et Gatineau auront le leur d'ici un an. Ces centres sont équipés de machines de prélèvement par aphérèse, qui séparent à la source les composants du sang. Une technique plus efficace et moins onéreuse que le don de sang auquel nous sommes habitués.

«Quand les donneurs font un don de sang total, ce sang-là est transformé [en laboratoire] dans un de nos établissements, explique M. Ménard. La transformation, ça consiste à séparer le don en différents composants: plasma, globules rouges et plaquettes. Une transformation implique beaucoup d'étapes et coûte beaucoup plus cher que de réaliser un don par aphérèse.»

Sans surprise, des collectes de sang mobiles subissent les contrecoups de ces nouveaux centres. Dans une ville comme Trois-Rivières, où Héma-Québec a convaincu ses meilleurs donneurs de sang de se faire donneurs de plasma, des efforts particuliers de recrutement doivent être déployés.

En augmentant son autosuffisance, la société souhaite se prémunir contre deux scénarios. Dans le premier scénario, les États-Unis - principal fournisseur de plasma servant à fabriquer des médicaments - pourraient décider de classer ce produit sanguin comme une ressource stratégique dont l'exportation doit être limitée. Dans le second, il se pourrait qu'au terme d'une découverte scientifique, le plasma apparaisse comme une source à exploiter dans le traitement de certaines maladies.

«Une découverte en ce sens entraînerait une demande très importante de plasma à l'échelle mondiale et ferait exploser les coûts d'approvisionnement pour ce produit sanguin», explique le porte-parole d'Héma-Québec, Laurent Paul Ménard, en citant en guise d'exemple des recherches qui avaient fait miroiter l'éventualité que le plasma serve un jour à traiter l'alzheimer.