Le projet de loi 20 ne «vise» pas que les médecins de famille, mais également les spécialistes. Et les nouvelles cibles de prise en charge de patients, établies en fonction d'une semaine de travail à temps plein, sont tout à fait réalistes. Dans une lettre envoyée hier aux médecins de la province, le ministre Gaétan Barrette réplique aux nombreuses récriminations formulées ces derniers jours envers le projet de loi 20.

Dans une sortie commune samedi, les médecins omnipraticiens avaient fortement décrié le projet de loi, qu'ils qualifient d'approche «coercitive, mathématique et méprisante». Selon eux, le projet du ministre Barrette, qui leur impose notamment des cibles de prise en charge de patients sous peine de se voir imposer des pénalités salariales de 30%, risque de diminuer l'accès et la qualité des services à la population.

Dans sa lettre, le ministre Barrette assure que le projet de loi 20 «ne vise pas à soumettre les médecins de famille du Québec aux travaux forcés à 50 ou 60 heures par semaine». Mais il reconnaît que la base des mesures qu'il propose «s'articule sur une semaine de travail à temps plein, 42 semaines par année» ,et «c'est absolument là que le bât blesse», écrit M. Barrette.

«Rien de surhumain»

«Il est faux de prétendre que les consultations médicales devront se limiter à dix petites minutes comme le martèlent les omnipraticiens. Au contraire, un médecin qui inscrirait 1000 patients et qui consacrerait trois journées de huit heures par semaine au suivi de ses patients proposerait à ceux-ci des consultations de 20 à 25 minutes chacune», affirme le ministre, tout en ajoutant qu'il ne s'agit là de «rien de surhumain ou de propice à nuire à la qualité des soins aux patients».

M. Barrette reconnaît que plusieurs médecins devront «réorganiser leur pratique». Mais selon lui, il n'est pas normal qu'en 2014, «des médecins de famille procèdent encore à la vaccination des bébés» et «à la mesure du poids, de la taille et de la tension artérielle».

Le ministre estime aussi qu'il est faux de dire que les patients vulnérables seront délaissés par les omnipraticiens qui, pour atteindre leur cible plus ambitieuse, se concentreront sur les patients les moins problématiques. M. Barrette assure que différentes pondérations seront établies pour favoriser la prise en charge de clientèles plus complexes, comme les gens atteints de problèmes de santé mentale, les patients en fin de vie et ceux qui demandent des soins à domicile. L'enseignement médical et le temps consacré à la supervision des résidents seront également reconnus.

Jusqu'à maintenant, la pratique des omnipraticiens en milieu hospitalier a été trop avantagée, selon le ministre Barrette qui veut «mettre un terme aux vieux réflexes de vouloir tout centrer sur l'hôpital». Le projet de loi 20, assure-t-il, ne vise pas que les médecins de famille. Les médecins spécialistes devront eux aussi «rééquilibrer leur pratique [...] au profit des activités de prise en charge hospitalière».

Le ministre Barrette conclut sa lettre en disant que «la population ne tolérera pas le statu quo» et que des changements sont nécessaires.

Tentative pour amadouer les médecins

Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin, dit «ne rien avoir appris de nouveau» en lisant la lettre du ministre, qu'il qualifie de «tentative d'amadouer les médecins de famille». «Le projet de loi est toujours aussi inacceptable, dit-il. Tout ça sous-entend que les omnipraticiens ne travaillent pas assez, et ça, je n'accepte pas ça parce que c'est faux [...]. Cette lettre montre simplement l'approche méprisante et dictatoriale du ministre.»

Aujourd'hui et demain, des rencontres sont prévues à Montréal et à Québec entre tous les médecins omnipraticiens du Québec. «Les gens pourront se prononcer. Mais pour l'instant, les médecins sont très opposés au projet de loi et je ne vois pas pourquoi ça changerait», estime le Dr Godin.