L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) est en furie contre la décision de Québec de sabrer les honoraires de ses membres. Dans un projet de loi publié hier matin, Québec a annoncé qu'il réduira de 177 millions les honoraires des pharmaciens, tout en leur permettant de facturer trois nouveaux actes.

«Ça fait partie de l'effort budgétaire qu'on demande à tout le monde pour le retour à l'équilibre», a expliqué le ministre de la Santé Gaétan Barrette.

«On est insultés. La façon dont tout cela s'est fait est totalement irrespectueuse», tonne le président de l'AQPP, Jean Thiffault.

À l'heure actuelle, les pharmaciens facturent la Régie de l'assurance maladie pour déposer les médicaments de leurs patients dans un pilulier. Québec estime que cette pratique équivaut au tiers des honoraires qui sont versés à ces professionnels.

Si le projet de loi est adopté tel quel, la proportion sera réduite à 25%. Cette mesure permettra à Québec de réduire de 115 millions les honoraires versés aux pharmaciens.

Le gouvernement Couillard va réduire de 32 millions d'autres honoraires liés à l'exécution d'ordonnances.

En revanche, le projet de loi permettra aux pharmaciens de facturer trois nouveaux actes médicaux: le renouvellement de certaines ordonnances, la prescription de médicaments pour des maladies qui n'ont pas besoin de diagnostic médical et la prescription de médicaments pour traiter une maladie déjà connue, par exemple le diabète.

Les pharmaciens pourront ainsi toucher 17 millions, selon l'estimation de Québec, ce qui permet d'éponger une partie de leurs pertes.

En tout, c'est donc plus de 130 millions que Québec compte économiser avec l'ensemble de ces mesures.

Grogne chez les pharmaciens

Les pharmaciens ont été pour le moins surpris hier matin par la présentation du projet de loi qui les concerne, n'hésitant pas à qualifier le geste de «cavalier». Depuis le mois d'octobre, ils négociaient avec Québec pour tenter de trouver des façons de réduire les dépenses dans ce secteur du réseau de la santé. «On a fait différentes propositions qui ont toutes été rejetées. Mais les discussions se poursuivaient. On a même discuté [mardi] soir jusqu'à minuit de plusieurs éléments. Et [hier] matin, le projet de loi tombe et on voit que tout était décidé depuis longtemps. Pourquoi nous a-t-on fait perdre notre temps?», a déclaré M. Thiffault en rencontre avec La Presse, hier après-midi.

Pour le directeur général de l'AQPP, Jean Bourcier, ces coupes de Québec sont en fait «une baisse du profit net pour les pharmaciens». «Ça représente une perte de 100 000$ par pharmacie. C'est énorme. Du jamais-vu, déplore-t-il. Les pharmaciens vont se demander où couper et ça risque d'affecter l'accessibilité.»

M. Thiffault mentionne que les pharmacies situées en secteurs défavorisés qui desservent une clientèle assurée principalement par le régime public pourront même subir une diminution de profits de «30 à 40%». «Québec arrive avec un bulldozer. Et on ne comprend pas. Les dépenses en assurance médicaments ont diminué de 2012 à 2013. Pourquoi nous vise-t-on?»

«Nos discussions avec le gouvernement pour augmenter le nombre d'actes qu'on pouvait poser devaient servir à réduire l'engorgement du réseau. Ce qu'on propose maintenant, ça ne respecte pas du tout cet objectif», ajoute M. Bourcier.