Au début du mois d'octobre, près de 20 000 patients québécois attendaient depuis plus de six mois d'être opérés, selon une compilation de la Coalition avenir Québec (CAQ) obtenue par La Presse. Un nombre qui stagne depuis 2009-2010. Et 7000 d'entre eux attendaient leur opération depuis plus d'un an.

En utilisant les données publiques du ministère de la Santé, la CAQ a comptabilisé le nombre total de patients en attente d'une intervention chirurgicale dans chaque service de tous les hôpitaux de la province, en date du 5 octobre.

Sans surprise, l'attente dans les hôpitaux universitaires, où sont réalisées les interventions les plus complexes, est plus longue.

L'hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), à Montréal, présente le plus grand nombre de patients qui attendent leur opération depuis plus de six mois, soit 2363. La majorité de ces patients sont traités dans les services de chirurgie plastique (659), d'otorhinolaryngologie (519) et d'ophtalmologie (378).

Le directeur des services professionnels de l'HMR, le Dr Francis Méthot, reconnaît que son établissement n'atteint pas la cible du gouvernement, qui veut que 90% des patients soient opérés dans un délai de six mois. «Mais on travaille très fort pour diminuer les listes. On arrivera bientôt à éliminer complètement les gens qui attendent depuis deux ou trois ans», dit-il.

Le Dr Méthot mentionne que la situation de l'est de Montréal est connue depuis longtemps. «Il y a 500 000 à 600 000 de population. Mais seulement deux centres qui opèrent: l'hôpital Santa Cabrini et nous», remarque-t-il.

Actuellement, seulement 12 des 13 salles d'opération de l'HMR sont ouvertes. «On manque de personnel pour ouvrir l'autre. Une seule salle, ça peut sembler peu, mais ça représente plusieurs cas qui ne peuvent être opérés», souligne le Dr Méthot.

Au cabinet du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, on mentionne qu'un expert du Ministère a récemment fait une tournée des hôpitaux présentant des listes d'attente de plus de deux ans et a fait des recommandations.«À l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, les cas en attente depuis plus de deux ans ont diminué de 45%», note l'attachée de presse du ministre Barrette, Joanne Beauvais.

93% des patients opérés en moins de six mois

Depuis 2007, le gouvernement souhaite opérer en moins de six mois tous les patients en attente d'une intervention chirurgicale de la hanche, du genou et des cataractes. «Il y a aussi une cible administrative qui demande de réaliser 90% de toutes les chirurgies en moins de six mois. Toutes chirurgies confondues, 93% des patients sont opérés à l'intérieur de six mois au Québec», affirme la porte-parole du ministère de la Santé, Stéphanie Ménard.

«Mais ce que cette statistique cache, c'est qu'année après année, 20 000 personnes attendent trop longtemps avant d'être opérées», déplore le porte-parole de la CAQ en matière de santé, Éric Caire.

Au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), 2705 patients attendent depuis plus de six mois de passer sous le bistouri dans l'un des trois hôpitaux de l'établissement. Uniquement à l'hôpital Notre-Dame, 1783 personnes sont dans cette situation. La plus forte attente est dans les services de chirurgie plastique (949) et d'otorhinolaryngologie (234).

La porte-parole du CHUM, Sylvie Robitaille, mentionne que son établissement réalise plus de 35 000 opérations par année. «On atteint la cible d'opérer les patients en moins de six mois dans 93,4% des cas», dit-elle. Mme Robitaille ajoute que le choix d'opérer un patient avant un autre est toujours fait en respectant les critères suivants: l'urgence de la situation, la sévérité du cas et les éléments cliniques.

Au CHU de Québec, 2656 patients attendent depuis plus de six mois d'être opérés dans l'un des cinq hôpitaux de l'établissement. Dans le seul service d'orthopédie de l'hôpital Saint-François d'Assise, 979 personnes attendent depuis plus de six mois. La porte-parole Geneviève Dupuis explique que les hôpitaux de la province effectuent en moyenne 18% d'opérations urgentes - des fractures ouvertes, par exemple -, alors que l'hôpital Saint-François-d'Assise en réalise 29%. «Ces chirurgies déplacent les opérations électives», note Mme Dupuis.

Le CHU de Québec travaille actuellement avec d'autres hôpitaux pour transférer des patients. Cette année, 50 personnes ont pu être opérées ailleurs. «Il faut dire que dans 93% des cas, on parvient à opérer les patients en moins de six mois», remarque Mme Dupuis.

«Un échec», selon la CAQ

Selon Éric Caire, le nombre de personnes qui attendent depuis plus de six mois d'être opérées au Québec reste «bien trop élevé». «Il s'agit d'un échec du gouvernement en matière de prestation de services, dit-il. L'attente trop longue a un impact sur la qualité de vie de milliers de patients.»

Au cabinet du ministre Barrette, on réplique que des «efforts concrets» ont été faits dans ce secteur. La preuve: les hôpitaux de la province réalisent chaque année 471 000 interventions électives, contre 388 000 en 2008-2009.

La chirurgie bariatrique gonfle les listes

L'attente pour subir une opération bariatrique au Québec avoisine les trois ans. Si bien que, dans les hôpitaux où l'on réalise ce type d'opération, les listes d'attente générales sont anormalement longues.

Les enfants dans une classe à part

Dans plusieurs services des hôpitaux pédiatriques de Montréal, la cible qui veut qu'on opère 90% des patients en moins de six mois n'est pas atteinte. Mais selon le directeur des affaires médicales du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine, le Dr Marc Girard, les données concernant la situation des hôpitaux pédiatriques sont particulières. «Chez les enfants, les cas à opérer sont ou bien très urgents, ou bien pas du tout, mentionne-t-il. En cardiologie, par exemple, il n'y a aucune attente. Mais les patients qui ont un sixième orteil ou les oreilles décollées sont sur la liste d'attente et ne se font pas opérer avant un an ou deux.»