La réforme du réseau de la santé du ministre Gaétan Barrette servira à faire des compressions que les syndiqués sont prêts à contester jusque dans la rue, a déclaré jeudi le vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Jean Lacharité.

La CSN et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ont été les derniers syndicats entendus par la commission parlementaire qui tient des audiences publiques sur le projet de loi 10, déposé par M. Barrette à la fin septembre.

Aux députés, M. Lacharité a affirmé qu'il ne croit pas que l'abolition des agences régionales de la santé et des conseils d'administration des établissements réduira la bureaucratie.

Le syndicaliste a constaté que la réforme précédente mise en place par le premier ministre Philippe Couillard avait résulté en une hausse de 30 pour cent du personnel d'encadrement.

Lors d'un point de presse qui a suivi, M. Lacharité a rappelé que le projet de loi 10 confiera au ministre de très grands pouvoirs sur le réseau de la santé, ce qui lui donne la marge de manoeuvre pour aller chercher les 2 milliards $ de compressions nécessaires au retour à l'équilibre budgétaire au terme de l'exercice 2015-2016.

«On va contester, on va prendre la rue, a-t-il dit lors d'un point de presse qui a suivi. Parce qu'il faut bien voir que ce projet de loi-là, c'est la pointe de l'iceberg. C'est l'outil idéal pour mettre en oeuvre les compressions budgétaires dans le réseau de la santé et des services sociaux pour atteindre l'équilibre budgétaire.»

M. Lacharité a affirmé que la réforme, par ses compressions qui pourront être décidées par le ministre, diminuera l'accessibilité et ouvrira ainsi la porte à plus de place pour le réseau privé.

«Il va avoir tous les pouvoirs, il va être omnipotent, a-t-il dit. C'est lui qui alloue les budgets. Il va recevoir son budget du Conseil du trésor, il va appliquer des compressions. Résultat de ça, on va encore diminuer l'accessibilité, les listes d'attente vont augmenter.»

M. Barrette a conclu les audiences sur sa réforme en laissant entrevoir des modifications aux limites administratives et à certains pouvoirs de nomination dont il disposerait.

Le projet de loi 10, qui doit limiter les mises à pied à 1300 cadres dans le réseau, a été jugé irrecevable par les médecins, les dirigeants et les syndicats d'employés.

Concluant les audiences publiques qui ont permis d'entendre ces différents groupes, M. Barrette a néanmoins estimé, jeudi, que sa réforme répond au besoin de changement de la population et que les opposants se concentrent du côté syndical.

«Je n'ai pas rencontré un seul administrateur, un seul employé - et j'en rencontre - ni un citoyen qui nous a dit d'arrêter, aucun, a-t-il dit. Il n'y a personne, là, qui a la peur bleue de ce qui est décrit par l'opposition comme étant essentiellement l'apocalypse.»

Le projet de loi fera passer le nombre d'établissements du réseau de la santé de 182 à 28. En vertu du projet de loi, les agences de la santé et les conseils d'administration des établissements seront abolis pour être remplacés par des Centres intégrés de santé et services sociaux (CISSS), ce qui doit générer des économies annuelles récurrentes de 220 millions $ à partir de 2017.

M. Barrette a affirmé qu'il est ouvert à revoir la taille des régions qui seront confiées à l'administration des CISSS, dont certains, dans leur forme actuelle, desserviraient une population de 1,5 million de personnes.

«Nous sommes tout à fait disposés à faire des aménagements territoriaux de ce type-là, mais évidemment on ne va pas faire des aménagements pour revenir à la case départ, a-t-il dit. Mais des aménagements sont tout à fait possibles, et il y aura certainement des amendements qui seront proposés.»

M. Barrette s'est montré disposé à préciser dans le projet de loi que ses pouvoirs de nomination des membres du conseil d'administration des CISSS ne seront que transitoires, c'est-à-dire pour la durée du mandat actuel du gouvernement.

«J'accepte la critique et je peux vous dire qu'il est tout à fait probable qu'un amendement soit fait au projet de loi pour qu'il y ait une date de fin de ces pouvoirs-là. Je n'ai aucun problème avec ça. Ça n'a jamais été conçu ni construit pour être un pouvoir permanent», a-t-il dit.

La députée péquiste Diane Lamarre a constaté qu'au-delà des pouvoirs de nomination des administrateurs des CISSS, le ministre de la Santé disposerait également d'une grande marge de manoeuvre.

«Le caractère transitoire qu'il a évoqué, c'était seulement sur une dimension, c'est-à-dire la possibilité de nommer les gens du conseil d'administration. Mais, si vous regardez, il y a 165 articles, il y en a 164 autres sur lesquels il s'attribue énormément de pouvoir. Et, sur ceux-là, il n'a pas parlé de caractère transitoire du tout.»