La quasi-totalité des demandeurs d'asile en attente d'une décision sur leur statut auront temporairement accès à une couverture médicale similaire à celle de l'ensemble des citoyens canadiens.

Les enfants et les femmes enceintes, notamment, font partie de ceux qui verront Ottawa payer la note pour la couverture de base et les médicaments, a confirmé mardi le ministre fédéral de l'Immigration, Chris Alexander.

Citoyenneté et Immigration Canada avait été sommé par les tribunaux de procéder à des modifications au programme fédéral de santé intérimaire (PFSI), mis en place en 2012.

La Cour fédérale a jugé en juillet dernier que les réfugiés touchés par le programme étaient victimes d'un «traitement cruel et inusité» au sens de l'article 12 de la Charte des droits et libertés, tout particulièrement car il touchait des enfants emmenés au pays par leurs parents.

«Les modifications apportées (...) pourraient compromettre la santé, la sécurité, voire la vie de ces enfants innocents et vulnérables d'une manière qui choque la conscience et qui porte atteinte à la dignité humaine», avait écrit la juge Anne Mactavish dans son jugement.

Le gouvernement avait demandé à la Cour d'appel fédérale de surseoir à la décision du tribunal inférieur, ce qui lui a été refusé vendredi dernier.

Le ministre Alexander n'a pas caché sa déception d'avoir été contraint à revisiter les dispositions du PFSI.

Il soutient depuis des semaines que celui-ci permet de protéger les intérêts des réfugiés et des contribuables canadiens.

«On ne considère pas juste que les demandeurs d'asile dont les cas ont été entendus et refusés ou qui ont même déposé des demandes frauduleuses reçoivent des soins de santé qui dépassaient parfois les soins de santé reçus par les Canadiens», a-t-il plaidé mardi.

Toutes les mesures qui ont été ajustées afin de se conformer à la décision de la Cour fédérale sont temporaires, a insisté M. Alexander.

«On continue à être en désaccord avec cette décision et on va continuer notre appel; les mesures qu'on annonce aujourd'hui (mardi) vont continuer jusqu'au moment où l'appel sera entendu», a-t-il laissé tomber en point de presse dans le foyer de la Chambre des communes.

Les conservateurs avaient créé en 2012 ce nouveau système de soins de santé pour les réfugiés, qui diminuait considérablement la couverture des médicaments et des soins.

Le PFSI traitait aussi différemment les demandeurs d'asile en fonction de leur pays d'origine et de leur situation sécuritaire.

En vertu de la refonte temporaire du programme, le gouvernement ne fait plus cette distinction, a spécifié mardi le ministre Alexander.

Les nouvelles dispositions du programme entreront en vigueur dès le mercredi 5 novembre. Elles toucheront un nombre évalué à «moins que 1000 personnes par année», mais entraîneront des coûts «significatifs», d'après lui.

«Ça va nous coûter 4 millions de dollars pour se conformer à la décision de la cour», a laissé tomber M. Alexander.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, ne s'est pas privé de railler le ministre pendant son point de presse, mardi.

«Chris Alexander, à l'instar de son premier ministre, n'accepte jamais de se faire dire ce qu'il ne veut pas entendre. Tant pis pour eux autres. Ce sont les tribunaux qui ont statué: leur approche est illégale», a-t-il tranché.

Le gouvernement Harper a toujours soutenu vouloir, grâce à ce programme, dissuader les demandeurs d'asile qu'il qualifie de «bidons» d'entrer au pays pour bénéficier de la couverture canadienne en matière de soins de santé.

Le porte-parole du Parti libéral en matière d'immigration, John McCallum, ne nie pas que ce phénomène puisse exister - c'est «concevable», dit-il.

Mais la solution ne réside pas dans la mise en oeuvre d'un programme qui punit tout le monde, a-t-il plaidé mardi matin en conférence de presse.

«Certains d'entre eux sont, comme le dit le ministre Alexander, des demandeurs d'asile «bidons', mais on ne punit pas tous les demandeurs légitimes parce qu'il y a peut-être une poignée de demandeurs «bidons', pour employer la terminologie (du ministre)», a fait valoir M. McCallum.

John McCallum a prévenu que la refonte du programme a intérêt à être constitutionnelle, puisqu'elle sera scrutée à la loupe.

«Je suis certain que plusieurs avocats et défenseurs des droits humains s'assureront que le gouvernement respecte bel et bien l'ordre de la cour», a-t-il souligné.

Les compressions dans les soins de santé aux réfugiés ont été critiquées par de nombreux regroupements.

Plusieurs regroupements, dont Médecins canadiens pour les soins aux réfugiés, ont traîné le gouvernement devant les tribunaux.