Pour la deuxième fois en quatre mois, l'ancien ministre de la Santé et père de l'assurance maladie Claude Castonguay fustige le gouvernement Couillard. Dans une lettre adressée au premier ministre, l'ancien ministre libéral associe la réforme de la santé du ministre Gaétan Barrette à un projet «digne des ex-régimes socialistes d'Europe de l'Est».

Selon M. Castonguay, la nécessité «d'alléger les structures administratives» du système de santé ne justifie en rien le «changement majeur» prévu dans le projet de loi 10 du ministre de la Santé. «Ce projet de loi, s'il est adopté, va enfermer de façon définitive notre système de santé dans une bureaucratie étouffante. De plus, alors que le système a besoin d'être dépolitisé, comme vous l'avez déjà affirmé, il va l'être davantage», affirme l'ancien ministre dans sa lettre destinée à Philippe Couillard.

Le projet de loi du ministre Barrette prévoit notamment l'abolition des agences de santé régionale. «Il prend comme excuse l'abolition des agences pour s'engager dans une tout autre opération [...] Le ministre se donne tous les pouvoirs», ajoute M. Castonguay en entrevue avec La Presse.

Le projet de loi veut aussi instituer un Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) qui administrera l'ensemble des établissements de santé, sauf ceux de Montréal. Ils seront gérés par cinq CISSS. Le nombre de conseils d'administration des établissements de santé serait considérablement réduit et les membres seraient nommés par le ministre. Plusieurs organismes ont déjà fait part de leur crainte de nominations partisanes, notamment.

«Il ne fait aucun doute que le projet va déresponsabiliser et démotiver tous ceux qui, à un titre ou un autre, travaillent dans des conditions déjà difficiles à produire les soins et les services dont la population a besoin», écrit M. Castonguay.

Il somme donc le gouvernement de se limiter à la simplification des structures administratives régionales. «Autrement, ce projet digne des ex-régimes socialistes de l'Europe de l'Est va donner les mêmes terribles résultats que dans ces pays», conclut-il.

«Le projet de loi s'inspire des succès du réseau américain des Kaiser Permanente et Cleveland Clinics; on peut donc affirmer qu'on n'est pas dans la formule soviétique...», rétorque Joanne Beauvais, attachée de presse au cabinet du ministre de la Santé. Elle ajoute que plusieurs groupes ont déjà proposé des amendements qui seront étudiés en vue d'un projet de loi final, et que le projet est une «étape importante» pour l'amélioration des services aux patients.

Il s'agit du second pavé dans la mare visant le gouvernement Couillard que jette celui qui a été ministre de la Santé au début des années 70. En juillet dernier, il avait réclamé la démission du ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, qui avait touché une prime de 215 000 $ pour avoir pris en charge 1500 patients qu'il a laissé tomber 18 mois plus tard.

M. Castonguay nie avoir une dent contre ce gouvernement. Il souligne qu'il n'a pas été le seul à demander la démission du ministre Bolduc. Au sujet de cette nouvelle sortie, il rappelle qu'il a fait partie d'un groupe de travail sur le financement du système de santé, en 2008. «On avait fait une douzaine de recommandations et si elles avaient été appliquées, on serait en meilleure posture qu'on l'est aujourd'hui, mais elles avaient été rejetées par le Dr Couillard, qui était ministre à l'époque», dit-il.