Le virus Ebola a beau ne pas avoir franchi les frontières canadiennes, mais l'épidémie ravageant l'Ouest africain a malgré tout des impacts ici.

Ceux ayant des proches au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée disent vivre dans la peur, craignant de répondre à chaque fois que le téléphone sonne, et devant gérer les stigmates provoqués par la maladie.

Abu Bakarr Kamara, qui a immigré de la Sierra Leone en 2003 et vit à Winnipeg, dit laisser souvent son téléphone tomber sur la boîte vocale lorsqu'il se met à sonner, de peur d'apprendre que son père ou sa soeur ne soient tombés malades.

«J'écoute le message avant de rappeler. Si je n'entends aucune nouvelle grave, je remercie Dieu. C'est notre vie, maintenant», dit-il.

«C'est frustrant, c'est terrible, c'est terrifiant. Parfois, vous allez vous coucher en pensant aux nouvelles horribles que vous pourriez recevoir de votre pays natal. Vous ne pouvez que prier. C'est vraiment horrible.»

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le virus a tué plus de 4900 personnes sur les quelque 10 000 infectées - pratiquement toutes situées au Liberia, en Guinée et en Sierra Leone. Un manque de lits dans les cliniques spécialisées force également des familles à prendre soin des malades à la maison, ce qui risque d'entraîner une plus grande dissémination du virus, avance l'OMS.

«La vitesse à laquelle les gens sont infectés dans la capitale, ça me fend le coeur, mentionne M. Kamara, vice-président de l'Association des ressortissants de la Sierra Leone du Manitoba. On a l'impression qu'il y a plus d'espoir, même si nous tentons de demeurer optimistes.»

Des groupes de partout au pays mènent des collectes de fonds pour tenter de ralentir la progression de l'épidémie. À Winnipeg, le groupe de M. Kamara vend des t-shirts et organise un dîner dans le but d'amasser 50 000 $ destinés à la Croix-Rouge et à Médecins sans frontières

À Edmonton, des membres de l'Association de l'amitié Liberia-Canada collectent eux aussi de l'argent pour acheter une ambulance destinée à leur pays natal. Le président John Gaye indique que plusieurs confrères et lui-même se sentent impuissants.

Les Libériens-Canadiens ressentent également les effets de l'épidémie dans leur pays d'adoption, précise-t-il. Des gens se reculent lorsqu'ils constatent qu'une personne provient du Liberia. D'autres posent des questions: quand y êtes-vous allé pour la dernière fois? Avez-vous reçu des visiteurs récemment?

«Juste parce qu'une personne est du Liberia ou d'Afrique de l'Ouest, cela ne veut pas dire qu'ils ont l'Ebola, dit M. Gaye. Je ne suis pas rentré au pays depuis plusieurs années. Je ne peux pas transporter ce virus avec moi aux endroits où je me rends.»

Pour un autre Abu Bakarr Kamara, celui-là vivant à Toronto et provenant de la Sierra Leone, sa famille, en Afrique, a dû faire face à un dilemme lorsque son frère est tombé malade. Personne ne voulait l'emmener à l'hôpital puisque s'il ne souffrait pas d'Ebola, il l'attraperait là-bas.

«Heureusement, il avait la malaria», a-t-il dit.

Le système de santé canadien est mieux équipé pour contenir et s'attaquer au virus, a-t-il ajouté. Les Canadiens doivent consacrer leur énergie à combattre la maladie en sol africain pour s'assurer que l'épidémie ne ravage pas d'autres pays ailleurs sur la planète.

«Nous vivons dans une société planétaire. Les gens voyagent et commercent. Il est mieux, pour ces pays avancés, de se rendre en Afrique de l'Ouest et mettre fin à cette épidémie, plutôt que d'attendre pour protéger le Canada.»