Devant l'avalanche de pénuries liées à la qualité médiocre des médicaments, le plus grand groupe d'achat de la province, SigmaSanté, demande à ses fournisseurs de préciser où sont fabriqués leurs produits. Une grande première qui rend l'industrie nerveuse.

SigmaSanté, qui alimente les hôpitaux québécois, réclame aussi une dérogation au Conseil du trésor, afin de pouvoir s'approvisionner auprès de deux fournisseurs au lieu d'un, ce qu'on appelle la «biadjudication». L'idée: avoir une solution de rechange lorsqu'un fabricant se voit imposer un rappel ou un interdit d'importation. Car ces ratés peuvent mettre des patients en péril - surtout lorsqu'ils touchent l'un de quelque 250 médicaments considérés comme «critiques», car utilisés aux soins intensifs et aux urgences.

«Ça fait deux ans qu'on en parle, et il est minuit moins une», déclare Jean-François Bussières, président du comité des pharmaciens de SigmaSanté, actuellement en plein appel d'offres.

Depuis l'appel d'offres précédent, il y a trois ans, les problèmes se succèdent dans l'industrie du médicament. Et les produits provenant de l'Inde sont très souvent en cause, qu'ils soient fabriqués par des sociétés locales ou par des sociétés nord-américaines, très nombreuses à y implanter des usines pour accroître leurs profits.

Les fournisseurs potentiels de SigmaSanté affirment qu'il est fort compliqué d'indiquer la provenance de leurs produits et s'inquiètent d'une «potentielle discrimination lors de la sélection», constate M. Bussières. Les ententes commerciales ne permettent pas d'exclure automatiquement certains pays, précise-t-il, mais il est devenu vital d'avoir un portrait d'ensemble du marché.

«On est informés des problèmes à peu près en même temps que les médias. En 2014, c'est presque devenu essentiel pour un pharmacien de lire les manchettes! C'est l'envers du bon sens: nous devrions être informés en priorité.»

Ambrose sévit contre Apotex

Cette semaine, soit cinq mois après les Américains, le ministère fédéral de la Santé a banni 60 médicaments issus de deux usines indiennes d'Apotex, le plus grand vendeur de médicaments au Canada. La ministre Rona Ambrose a décidé de sévir après avoir été dénoncée à la Chambre des communes pour sa mollesse à l'égard des pharmaceutiques, mise en évidence dans plusieurs reportages, dont une récente enquête du Toronto Star.

Mardi, Mme Ambrose a affirmé à ce quotidien que «le lien de confiance» était maintenant «rompu» avec Apotex. Le communiqué de son ministère parle de «sérieux doutes» sur la qualité et l'innocuité des ingrédients actifs et médicaments fabriqués en Asie. Les inspecteurs de la Food and Drug Administration américaine disent qu'Apotex a caché des résultats de tests désavantageux et détruit des dossiers.

La société torontoise estime que les mesures de Santé Canada sont injustifiées et que ses produits sont «intègres et de qualité».

Les produits d'Apotex se trouvant déjà en pharmacie ne font pas l'objet de rappels. Santé Canada les considère comme sûrs, puisque les lots en provenance de l'Inde sont testés à leur arrivée avant d'être distribués. Certains produits considérés comme «médicalement nécessaires» pourraient même échapper au nouvel interdit d'importation, à condition d'être testés par «une tierce partie indépendante avant d'être mis en circulation».

Fin septembre, Mylan Pharmaceuticals a dû rappeler des vaporisateurs de Myla-Nitro Spray 0,4 mg, utilisés lors des crises d'angine. Certains d'entre eux ne disposaient pas de tube plongeur, ce qui risquait d'empêcher la transmission de nitroglycérine à l'insu des patients et, donc, de les exposer à des crises cardiaques.

La liste complète des produits touchés a été mise en ligne >>