Gaétan Barrette a mis sa menace à exécution: Québec a fait parvenir une lettre à la clinique Rockland MD pour mettre officiellement fin à l'entente qui permettait le paiement par l'État d'interventions chirurgicales effectuées dans cet établissement privé, a appris La Presse.

Le système de santé québécois signe ainsi l'arrêt de mort de sa première et principale expérience de soins en partenariat public-privé (PPP).

Le controversé contrat entre l'hôpital du Sacré-Coeur et Rockland MD a été conclu en 2008, alors que Philippe Couillard était ministre de la Santé. Il l'avait alors qualifiée de «bonne nouvelle pour la population du Québec». Lors de la dernière campagne électorale, en mars dernier, le futur premier ministre affirmait encore qu'il voulait renouveler l'entente, contre la volonté du gouvernement Marois. «C'est un bon projet, qui fonctionne bien, et au bénéfice des patients», avait-il assuré.

«Plus sa raison d'être»

Depuis, son ministre de la Santé a effectué un virage à 180 degrés. Son arrivée aux commandes lui a permis de constater que les besoins pouvaient être comblés par le réseau, a-t-il dit au début de l'été. Il a ajouté à l'époque que les coûts facturés par la clinique étaient supérieurs à ceux du réseau public.

À son cabinet, on réitère que le gouvernement demeure ouvert aux partenariats publics-privés en santé, mais que cette entente n'était plus nécessaire.

«Cette entente-là était importante et valable quand il y avait des besoins qui n'étaient pas remplis par le réseau de santé de Montréal», a plaidé Joanne Beauvais, attachée de presse de Gaétan Barrette. «Cette entente-là n'avait plus sa raison d'être.»

D'autres contrats pourraient être signés à l'avenir si le besoin se fait sentir. «Si on s'aperçoit qu'il y a des besoins [...], on est très ouverts à faire des ententes avec le privé tant que c'est pour le bien du réseau», a ajouté Mme Beauvais.

L'entente entre Sacré-Coeur et Rockland MD est née dans un contexte d'engorgement des installations des hôpitaux montréalais et d'allongement des listes d'attente pour les interventions chirurgicales. Elle prévoyait le transfert d'un certain nombre d'interventions vers les installations privées. Québec acceptait d'assumer les coûts de la location de salles d'opération et des services de professionnels de la santé.

Interventions en solde

En plus de ce contrat, Rockland MD offre au public les services de médecins qui ne participent pas au régime public d'assurance maladie. Sur son fil Twitter, elle offre parfois des soldes sur certaines interventions: «Pendant tout le mois de février, ne manquez pas notre offre spéciale sur la coloscopie et gastroscopie», a indiqué la Clinique l'hiver dernier.

Une autre entente du même type que celle signée avec l'hôpital du Sacré-Coeur existe dans le domaine de l'ophtalmologie. Elle verra elle aussi le couperet tomber de façon imminente.

La Coalition avenir Québec (CAQ) avait déjà fait connaître son inquiétude au sujet de la volonté de Québec de mettre la hache dans cette entente. «Le ministre est en train de négocier une rupture de services», avait déploré le député Éric Caire.

Le monde syndical avait plutôt crié victoire. «Nous sommes heureux d'apprendre que cette erreur ne durera pas plus longtemps», s'était réjouie la vice-présidente de la Fédération de la santé de la CSN, Nadine Lambert.

Hier, La Presse n'a pas réussi à joindre Fernand Taras, patron de la clinique Rockland MD. Au moment de mettre sous presse, il ne nous avait pas rappelé.

La semaine dernière, il s'est inscrit au Registre des lobbyistes afin de pouvoir faire légalement pression sur le ministre de la Santé concernant le «renouvellement du contrat remporté» par sa clinique «en 2008 à la suite d'un appel d'offres». En vain.