Intimidation, allocations de dépenses frauduleuses, vacances prises illégalement... Les abus de toutes sortes se sont multipliés au Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de la Vallée-de-l'Or au cours des dernières années, révèle un rapport d'enquête accablant diffusé la semaine dernière par l'Agence de la santé et des services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue.

Depuis cinq ans, le CSSS de la Vallée-de-l'Or était en déficit, et ce, même si six accompagnateurs spéciaux s'étaient succédé dans l'établissement pour tenter de redresser la barre.

Cette situation inquiétait grandement l'Agence de l'Abitibi-Témiscamingue, qui a exigé des plans de redressement. Mais c'est à la suite de l'embauche du directeur général Stéphane Lalonde, en août 2012, que la situation a dégénéré au CSSS de la Vallée-de-l'Or, à tel point qu'une enquête spéciale a dû être menée.

Dans le rapport d'enquête, plusieurs irrégularités qui prévalaient sont mises au jour. On souligne notamment le climat de travail malsain. «Il y avait de l'intimidation, des tensions constantes, un climat de peur. Le nouveau directeur général refusait de collaborer avec les médecins et les syndicats», témoigne le président-directeur général de l'Agence de l'Abitibi-Témiscamingue, Jacques Boissonneault.

Vacances illégales et embauche de sa femme

Les irrégularités ont commencé à être si nombreuses qu'à partir de l'été 2013, plusieurs employés du CSSS les ont dénoncées à l'Agence. «On était nous-mêmes un peu abasourdis par ce qu'on entendait», affirme M. Boissonneault, qui n'hésite pas à dire que les 18 mois de règne de M. Lalonde ont été «percutants».

En plus du climat de travail malsain et de nombreux départs de cadres, le rapport d'enquête rapporte des pratiques administratives plus que douteuses. On mentionne notamment que huit personnes ont bénéficié de semaines de vacances auxquelles elles n'avaient pas droit, pour un total de 45 semaines.

Certains dirigeants ont également inscrit dans leurs dépenses «des trajets qui ne découlent pas de l'exercice de leurs fonctions, qui se font à répétition et, dans un cas, avec double trajet pour la même date». Or, le contrat de travail de ces personnes ne stipule aucune allocation spéciale pour déplacement.

On note aussi que les condos loués par le CSSS de la Vallée-de-l'Or pour les médecins et les résidents de passage «ont été utilisés par des personnes autres pour des durées variant de deux jours à 146 jours».

«Nous travaillons présentement à récupérer ces sommes», affirme M. Boissonneault, qui ajoute que la situation est également corrigée depuis «qu'un joueur impliqué aux ressources humaines a quitté».

Questionné sur l'identité de ce «joueur», l'Agence mentionne qu'il s'agit d'un directeur et non de la femme de M. Lalonde. Celle-ci avait été engagée comme coordonnatrice des ressources humaines aux relations de travail et à la dotation du CSSS de la Vallée-de-l'Or. Le rapport d'enquête critique d'ailleurs sévèrement cette embauche en mentionnant que la femme de M. Lalonde «manquait d'expérience» et qu'il s'agit d'une «grave erreur de jugement» de la part du directeur général.

Toutes les irrégularités survenues au CSSS de la Vallée-de-l'Or ont été cachées aux membres du conseil d'administration. «Oui, le C.A. aurait pu agir plus vite. Mais on le tenait volontairement dans l'ignorance», mentionne M. Boisonneault, qui dresse un parallèle entre ce qui s'est produit au CSSS de la Vallée-de-l'Or et les événements entourant l'octroi de contrats pour le nouveau Centre universitaire de santé McGill (CUSM). «Dans les deux cas, on tenait le conseil d'administration à l'écart. On a offert des formations au C.A. pour éviter que ça se reproduise», dit-il.

Le directeur général Stéphane Lalonde a été suspendu sans solde en mars dernier et a été finalement congédié le 19 juin par le conseil d'administration du CSSS. Un directeur général intérimaire a été nommé en avril. «La stabilité revient tranquillement. On tente de revenir à l'équilibre budgétaire dès cette année», mentionne M. Boissonneault.