Alors que toutes les dispositions du projet de loi sur la psychothérapie sont entrées en vigueur le 21 juin, des dizaines d'intervenants, dont des psychoéducateurs et des travailleurs sociaux, craignent que le nombre de poursuites pour exercice illégal de la psychothérapie n'augmente en flèche dans les prochains mois.

Dans une lettre envoyée à l'Ordre des psychologues, 200 signataires affirment que « la nouvelle loi [...] crée plus de problèmes qu'elle n'en résout » et qu'il est « urgent de revoir la situation ».

« Le résultat risque d'être un manque de service à la population », déplore l'un des signataires de la lettre, le professeur Normand Brodeur, de l'École de service social de l'Université Laval.

Jusqu'à tout récemment, la psychothérapie n'était pas une activité réservée au Québec. « Tout le monde pouvait faire tout », résume la présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, Rose-Marie Charest.

Pour contrer les charlatans, le gouvernement a adopté la loi 21 en 2009. Ce règlement prévoit que seuls les psychologues et les médecins qui en ont les compétences peuvent pratiquer la psychothérapie.

Certains spécialistes comme des thérapeutes conjugaux, des infirmières et des travailleurs sociaux peuvent aussi demander un permis de pratique de la psychothérapie.

La loi 21 est entrée en vigueur en 2012, mais donnait jusqu'au 21 juin dernier aux intervenants sans titre professionnel adéquat, mais détenant des compétences en psychothérapie, de faire une demande pour obtenir un permis de pratique. En deux ans, 870 autorisations spéciales ont été données. Seulement 27 ont été refusées.

Pour le professeur Brodeur, le problème de la loi 21 réside dans la définition trop large qui est faite de la psychothérapie.

« Trop de zones grises »

Pour les signataires de la lettre, l'Office des professions doit revoir cette définition. « C'est si large que des gens venant simplement en aide à des personnes en détresse, comme des centres de prévention de la violence conjugale, pourraient se voir imposer des amendes pour exercice illégal de la psychothérapie. Il y a trop de zones grises dans la définition de la psychothérapie », estime M. Brodeur.

Ce dernier ajoute que, craignant de se voir imposer des amendes, certaines personnes préfèreront cesser leurs activités. Ce qui pourrait se traduire par une perte de services à la population.

Mme Charest ne partage pas cette opinion. « Ce n'est pas parce que tu viens en aide à quelqu'un en détresse que tu fais de la psychothérapie », assure-t-elle.

Mme Charest précise que la psychothérapie doit avoir comme objectif de « soigner ». « C'est un peu comme la différence entre aller au gym et faire de la physiothérapie », illustre-t-elle.

Mme Charest reconnait que le changement apporté par la loi est important. « On comprend les inquiétudes. Mais il y a consensus dans tous les ordres sur l'importance d'encadrer la psychothérapie. [...] On peut peut-être travailler pour mieux définir certaines choses. Mais pas sur l'essentiel », dit-elle.