C'est le fouillis dans l'administration des stocks de médicaments dans les hôpitaux de la province, constate le vérificateur général du Québec après avoir fait enquête dans six établissements. Ce laxisme accroît notamment les risques de pénurie de médicaments, estime le vérificateur Michel Samson.

Dans le contexte où les pénuries de médicaments surviennent désormais régulièrement dans les hôpitaux, le vérificateur constate qu'«il n'y a aucune norme quant au niveau minimal de stocks que les établissements doivent détenir, particulièrement pour les médicaments critiques».

Dans son rapport déposé hier à l'Assemblée nationale, le vérificateur souligne que, selon les établissements visités, la durée des stocks de médicaments variait de cinq jours à huit semaines. En cas de rupture de stock, les hôpitaux doivent rationner les produits et prendre des mesures exceptionnelles.

Avec une meilleure gestion, «sûrement qu'on aurait diminué le risque de pénurie. D'ailleurs, ce qu'on constate au niveau des pénuries, c'est que les groupes d'approvisionnement [les fournisseurs] ont des pratiques différentes. L'un a exigé, de la part d'un fabricant, qu'ils aient une série de médicaments qui soient disponibles pour une période de stocks, admettons aux trois mois; alors que l'autre groupe d'approvisionnement l'a suggéré. Un exige; l'autre suggère. Vous comprenez, ça n'a pas le même poids, et ce qui nous arrive: des pénuries de médicaments», explique M. Samson. 

Selon le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, Québec «essaie de s'adapter à la nouvelle réalité des compagnies qui arrivent à la dernière minute avec des ruptures de stock». Avec Ottawa, on examine la possibilité d'admettre de nouveaux fournisseurs.

Des écarts de prix importants

Selon le vérificateur, le ministère de la Santé ne fait pas de suivi rigoureux des prix demandés par les distributeurs. Entre les deux grands distributeurs, on observe que pour 275 produits - un produit sur trois -, les écarts de prix dépassent les 10%. On a même vu un cas où le même produit coûtait neuf fois plus cher d'un vendeur à l'autre. Or, le Ministère n'a jamais analysé les causes de ces écarts. 

Pour le ministre Barrette, ces écarts peuvent survenir parce que les fournisseurs n'achètent pas nécessairement les produits en même temps. Si on compare le prix d'un médicament avant et après l'échéance de son brevet, par exemple, les différences peuvent être importantes, souligne M. Barrette. «Quand on compare les achats regroupés qui se font au Québec dans des situations similaires, on constate que les prix sont comparables, les achats groupés fonctionnent bien», résume M. Barrette.

Le vérificateur a aussi découvert que l'on distribuait régulièrement des médicaments qui n'étaient pas recommandés par l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux ni même homologués par Santé Canada. Il s'agit d'«une pratique discutable», puisque l'organisme fédéral n'avait jamais statué sur l'innocuité de ces médicaments. Selon le ministre Barrette, il peut arriver que, «pour des raisons humanitaires», on prescrive un médicament qui n'est pas homologué. Pour le vérificateur, toutefois, les établissements ont tendance à intégrer ces produits dans leur liste de médicaments courante à partir du moment où on leur a donné l'autorisation de le prescrire une fois.

Pénurie de Paclitaxel

La pénurie de Paclitaxel, un médicament utilisé dans le traitement du cancer, qui perdure depuis quelques semaines au Québec révèle par ailleurs «les côtés sombres du capitalisme», selon le ministre Barrette. Le médicament, qui se détaillait jusqu'à tout dernièrement 42$ l'unité, est maintenant vendu jusqu'à 4000$ la fiole par la société qui détient maintenant le monopole.

La semaine dernière, Radio-Canada a révélé qu'une dizaine d'hôpitaux de Montréal subissent une explosion de coût du Paclitaxel. L'entreprise Biolyse Pharma Corp, qui fournissait le produit, est aujourd'hui en rupture de stock après la fermeture temporaire de l'une de ses usines par Santé Canada.

La société Hospira détient aujourd'hui le monopole du Paclitaxel au pays et vend le médicament à des prix plus élevés. «C'est carrément de l'abus», estime le ministre Barrette.

Ce dernier a demandé cette semaine aux autorités fédérales d'assouplir leurs règles administratives afin de permettre à un nouvel acteur de percer le marché canadien plus rapidement.

Questionné sur le sujet, Hospira a renvoyé La Presse à un communiqué publié la semaine dernière dans lequel elle dit qu'elle «n'a pas augmenté le prix du Paclitaxel» et que «contrairement à ce qui est véhiculé dans les médias», «un rabais de 75 p. cent» du prix courant de 4000$ a été fait aux groupements d'achats canadiens.