Une femme inquiète pour la sécurité de sa mère, hospitalisée dans un CHSLD, s'est fait confisquer son modem internet par l'établissement afin d'éviter qu'elle filme les employés. Les problèmes liés à l'installation de caméras personnelles dans des résidences pour aînés sont de plus en plus fréquents et, faute de règles claires, le débat se transporte maintenant devant les tribunaux.

Selon Diane Biron, sa mère, âgée de 93 ans et atteinte d'Alzheimer, s'est fait voler sa bague de mariage au centre d'hébergement Fernand-Larocque, à Laval. Elle aurait aussi reçu des coups de pied d'un patient. Lorsque sa mère a cessé de répondre au téléphone, Mme Biron a décidé d'installer un système de surveillance sur un ordinateur portable.

«Comme ma mère ne parle plus tellement, le contact par vidéo, voir sa gestuelle, devient important», a soutenu Diane Biron au cours d'un entretien avec La Presse.

Entre son père, âgé de 88 ans et qui habite seul, sa fille polyhandicapée et un emploi à temps plein, Mme Biron dit avoir besoin de toute l'aide que les nouvelles technologies peuvent lui apporter. Son frère, qui habite en Colombie-Britannique, a donc installé dans l'ordinateur un programme qui leur permet de voir leur mère 24 heures sur 24.

Le centre n'a pas vu cette initiative d'un bon oeil. Pour s'assurer que l'ordinateur n'enregistre aucune image en l'absence de Mme Biron, la direction a tout simplement confisqué le modem qui donne accès à l'internet. Lorsqu'elle visite sa mère, Mme Biron doit s'adresser au directeur pour qu'il lui «prête» le modem, qu'elle doit rendre ensuite.

«C'est humiliant de devoir demander la permission pour un service que je paye», dit-elle. Si elle visite sa mère après 16 h 30 ou les week-ends, lorsque le directeur est absent, elle n'a pas accès à son modem.

L'avocat Jean-Pierre Ménard, spécialiste du droit de la santé, estime que la réaction du centre est excessive. «Lorsqu'il est dans sa chambre, le patient est dans son milieu de vie. Dans un lieu privé comme la chambre, il n'y a pas de problème à installer une caméra.»

Débat en cour

Me Ménard aura d'ailleurs l'occasion d'invoquer ces arguments devant la Cour supérieure, qui entend une cause similaire ce matin à Montréal: le Centre de santé et de services sociaux (CSSS) Saint-Léonard et Saint-Michel veut qu'une caméra installée dans la chambre d'une patiente soit retirée.

La famille affirme que la vieille dame s'est fait voler un bijou au centre d'hébergement Quatre-Temps. Dans les jours qui ont suivi l'installation de la caméra, le syndicat a fait un grief et la direction a demandé le retrait de l'équipement, ce à quoi la famille s'est refusée.

Dans ce cas comme dans celui de Mme Biron, les établissements soutiennent que la caméra porte atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs et de la patiente. Dans la requête concernant la famille Richard, le CSSS souligne que le lien de confiance est «anéanti» et que des employés évitent d'entrer dans la chambre de la dame.

Mme Biron a elle-même été avertie par lettre que la caméra risquait d'isoler sa mère. «Ce sont des représailles, et c'est interdit, affirme Me Ménard. C'est étonnant que la direction ne protège pas mieux le droit des usagers.»

La direction du centre Fernand-Larocque a transmis la demande d'entrevue de La Presse aux communications du CSSS-Laval, qui n'a pas voulu commenter le cas.

Par courriel, on confirme toutefois que le CSSS est à établir des règles sur l'utilisation des «moyens technologiques», mais on n'a pas voulu préciser si les caméras seront tolérées.

La politique est «en consultation» et devra ensuite être adoptée par le conseil d'administration du CSSS.

Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux FSSS-CSN, qui compte des membres affiliés parmi les employés du centre Fernand-Larocque, n'est pas pour l'installation de caméras: «Qui installe la caméra? À quelles fins? Qui a accès aux images? Il doit y avoir un débat, et le meilleur moyen de le faire n'est pas devant les tribunaux.»

Du côté de la Fédération des préposés aux bénéficiaires, on souligne que les employés qui s'opposent à la présence d'une caméra sont minoritaires.

«Les employés se font dire de considérer la chambre comme la maison de la personne. Il ne devrait pas y avoir de problème à installer des caméras, mais ça ne doit pas être à l'insu des employés», croit Michel Lemelin, président de la FPBQ.