Au début de février, une oasis dans le monde des urgences montréalaises semble apparaître à l'Hôpital général juif de Montréal. L'idée de se retrouver devant un médecin - un vrai - à peine 20 minutes après avoir traversé la porte des urgences fait saliver bien des patients exaspérés par les temps d'attente catastrophiques. Deux mois plus tard, l'oasis semble n'être plus qu'un mirage.

L'idée de voir un médecin après 20 petites minutes d'attente aux urgences de l'Hôpital général juif (HGJ) a poussé des centaines de Montréalais à se ruer sur l'hôpital, créant un embouteillage qui a plombé le temps d'attente affiché par l'établissement, a appris La Presse.

Lors de l'inauguration de ses nouveaux locaux en février dernier, le patron des urgences de l'HGJ, le Dr Marc Afilalo, avait dévoilé qu'il visait un délai moyen de 20 minutes entre l'arrivée d'un patient à l'urgence et son premier contact avec un médecin.

Deux mois plus tard, le coup de publicité bien involontaire a eu des effets dévastateurs sur son service, a confié le médecin à La Presse. Exit l'objectif du 20 minutes, les cas de grippes ou de simples étourdissements peuvent attendre plusieurs heures parce que la fréquentation a bondi de 27% presque du jour au lendemain.

Débordement

«Notre peur extrême, notre phobie, c'était une augmentation du nombre de patients, a dit M. Afilalo. Aucune urgence ne peut bien fonctionner si le volume de patients devient incroyablement trop élevé. C'est le cas depuis le 16 février.»

La situation est si problématique que le médecin a effectué une présentation spéciale devant l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal il y a quelques jours. Il y a plaidé qu'en moyenne, autour de 110 patients se présentent quotidiennement aux urgences de chaque hôpital de Montréal. À l'HGJ, on frôle le cap des 280 patients quotidiennement. «Et c'est sur une pente ascendante.»

Publicité involontaire

S'il n'en tenait qu'à lui, Marc Afilalo n'aurait pas fait de promotion autour de l'inauguration des nouvelles urgences de l'HGJ.

«La conférence de presse avait été commandée par le ministre et non pas par nous. Si c'était juste de nous, on ne l'aurait pas fait», a-t-il confié. «La performance tue, c'est aussi simple que ça. [...] Il ne faut même pas dire que notre performance est bonne, parce qu'on va être inondés de patients.»

Une Montréalaise rencontrée aux urgences de l'hôpital, samedi, représente parfaitement les cas évoqués par M. Afilalo. «On habite à côté de [l'hôpital] Maisonneuve-Rosemont. C'est la première fois qu'on vient», a indiqué Johanne (nom fictif). Comme plusieurs nouveaux patients des urgences du Jewish, c'est l'idée de voir un médecin en 20 minutes qui l'a poussée à s'y présenter.

Le Dr Afilalo dit avoir été mal compris. Il assure ne jamais avoir dit qu'un patient atteint d'un mal bénin se retrouverait devant un médecin en claquant des doigts. «C'est 20 minutes en moyenne. Ce n'est certainement pas 20 minutes pour les cas de priorité 1 [les plus graves] et ce n'est pas 20 minutes pour les cas de priorité 4 ou 5 [les plus bénins]. Et c'est si l'urgence accueille un nombre de patients qu'elle [a la capacité] de prendre.»

M. Afilalo appelle les autorités de la santé montréalaises à s'attaquer de front à ce problème. En entrevue, il a relaté que l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal lui avait promis son appui en cas de débordement après les rénovations des urgences de son hôpital. Le scénario du pire s'est produit, mais le médecin attend toujours le coup de pouce des autorités.