Présentés comme la solution aux problèmes d'accès dans le réseau de la santé, les groupes de médecine de famille (GMF) ne répondent pas aux attentes, révèle une étude inédite obtenue par La Presse.

Même si davantage de médecins travaillent dans les GMF que dans les autres cliniques médicales, ils s'occupent moins des patients vulnérables qui se retrouvent plus souvent aux urgences, indique l'étude réalisée par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Daté du 18 février 2014, le document préparé par la Direction générale du personnel réseau et ministériel s'attarde à la performance des médecins omnipraticiens. Ses conclusions, gardées secrètes jusqu'à maintenant, sont préoccupantes.

L'étude compare la performance des médecins pratiquant dans les GMF - des cliniques réunissant des groupes de médecins - à celle des médecins des autres cliniques et cabinets médicaux.

On y apprend que le nombre moyen de visites par jour, en semaine, est moins élevé dans les GMF que dans les autres cabinets, sauf dans la région de la Capitale-Nationale.

Il y a également moins de visites la fin de semaine dans les GMF comparativement aux autres cabinets, exception faite de Montréal, de Laval et de la Capitale-Nationale.

En proportion du nombre de patients, les médecins qui travaillent dans les GMF voient moins de patients vulnérables que leurs confrères des autres cliniques.

Ces données peuvent expliquer en partie le fait que, toutes proportions gardées, les patients inscrits dans les GMF sont plus nombreux à se présenter aux urgences que ceux des autres cliniques. Ils sont également plus souvent hospitalisés, démontre l'étude.

Pourtant, les médecins sont beaucoup plus nombreux à travailler dans les GMF qu'ailleurs. On compte aussi deux fois plus de patients inscrits dans ce type de clinique, soit 3,2 millions de personnes comparativement à 1,8 million ailleurs.

Un certain progrès

Au ministère de la Santé, personne n'était disponible pour commenter et expliquer cette étude inédite.

Le document, de nature sensible, semble avoir été produit en vue de négociations futures avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

Il y a un an, l'ancien ministre de la Santé, Réjean Hébert, avait menacé de serrer la vis aux GMF. À ce moment, 43% d'entre eux ne respectaient pas leur cible d'inscription et 40% ne respectaient pas les heures d'ouverture.

Des discussions entre Québec et les médecins omnipraticiens ont mené depuis à certains progrès. Près de 85% des GMF respectent maintenant les heures d'ouverture et 56% atteignent leur cible d'inscriptions. Mais les deux critères mis ensemble, à peine 45% des GMF respectent leurs engagements.

Des discussions sont d'ailleurs toujours en cours pour revoir le cadre de gestion des GMF, tâche dont le nouveau ministre de la Santé, le Dr Gaétan Barrette, devra s'acquitter. 

Il existe actuellement 256 GMF, et l'objectif est d'en avoir 300. Le gouvernement leur verse annuellement une centaine de millions pour le fonctionnement du cabinet, le travail administratif et la coordination avec les autres professionnels de la santé, notamment des infirmières, qui sont souvent prêtés par les centres de santé et de services sociaux (CSSS). Un GMF de taille moyenne reçoit environ 578 000$ annuellement.

Prudence

Questionné sur l'étude du Ministère, le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin, a appelé à la prudence, hier. Le Ministère n'a pas présenté les chiffres à la fédération, qui semblait d'ailleurs surprise d'en apprendre la teneur.

«Il faut être très prudent lors d'une première analyse», a indiqué le Dr Godin. «De prime abord, je suis surpris de voir que les GMF semblent avoir plus de visites aux urgences et moins de patients vulnérables.»

Il suggère que la «démographie médicale» des GMF, comparativement aux autres cliniques, pourrait expliquer en partie les résultats.

Le Dr Godin croit ainsi que les patients vulnérables qui sont pris en charge dans les GMF sont peut-être plus malades que ceux inscrits dans les autres cliniques médicales.