Un député conservateur quadriplégique du Manitoba introduira deux projets de loi pour décriminaliser l'aide médicale à mourir, demain, contredisant la position du gouvernement fédéral et encourageant d'autres provinces à emboîter le pas au Québec.

Steven Fletcher, qui avait été écarté du cabinet l'été dernier par le premier ministre Stephen Harper, souhaite abolir dans certaines circonstances l'interdiction du suicide assisté prévue dans le Code criminel. Il propose aussi de créer une commission fédérale qui assurerait le suivi de la pratique à l'échelle canadienne.

M. Fletcher était un jeune diplômé en génie dans la vingtaine lorsqu'il a heurté un orignal en voiture, en se rendant à son nouvel emploi dans une mine d'or du nord du Manitoba. L'impact lui a brisé le cou et il est depuis paralysé des épaules jusqu'aux pieds.

«Je me sens moralement obligé, maintenant que j'en ai l'occasion, de présenter ces deux projets de loi et de créer un débat parlementaire et une prise de conscience à travers le pays pour que les gens sentent que le choix leur revient», a-t-il dit en entrevue avec La Presse.

M. Fletcher n'a pas été en mesure de donner beaucoup plus de détails sur le contenu de ces projets, puisqu'ils n'ont pas encore été déposés à la Chambre des communes. On ignore par exemple dans quelle mesure l'euthanasie serait visée par les changements. Il a laissé entendre qu'elle pourrait l'être dans certains cas.

Le député a néanmoins précisé que ses projets de loi permettraient aux provinces d'adopter leur propre système d'aide médicale à mourir en vertu de leurs compétences en matière de santé, sans crainte de contestations judiciaires d'Ottawa en vertu de la Constitution et du Code criminel.

Le Québec serait donc directement concerné: le projet de loi 52 de l'Assemblée nationale n'a pas été adopté avant le déclenchement des élections, mais il pourrait l'être sous peu. Or, le gouvernement Harper étudie sérieusement la possibilité d'en contester la constitutionnalité devant les tribunaux, au motif qu'il empiète sur ses compétences en matière criminelle. Québec s'est prévalu de ses pouvoirs en matière de santé pour légiférer.

Le refus des conservateurs d'ouvrir le débat sur l'euthanasie et le suicide assisté s'appuie sur la crainte que ces pratiques comportent trop de risques pour les personnes les plus vulnérables de la société. «On a déjà voté à ce sujet à la Chambre. Ce n'est pas l'intention du gouvernement d'en discuter de nouveau», a réitéré hier le ministre fédéral de la Justice, Peter MacKay.

C'est ce que plaident les procureurs fédéraux dans une cause qui sera bientôt entendue par la Cour suprême, l'affaire Carter, qui émane de la Colombie-Britannique.

Steven Fletcher ignore s'il recueillera beaucoup d'appuis chez les députés de son parti ou d'autres formations. «Ça pourra prendre plusieurs années, a-t-il dit. Mais ça vaut la peine d'être fait, à condition de l'être avec empathie, compassion, beaucoup d'espoir et de la miséricorde».