Le nombre d'ordonnances d'antibiotiques chez les enfants diminue aux États-Unis, depuis dix ans, mais depuis quelques années, on observe un plateau, révèle une nouvelle étude américaine. Au Québec, la situation est similaire.

«Il y a eu beaucoup d'efforts pour diminuer la prescription d'antibiotiques, notamment pour les otites, mais on semble avoir atteint un plateau», explique l'auteure principale de l'étude parue dans la revue Pediatrics, Louise Vaz, de l'Université Harvard.

«Il faut trouver une nouvelle approche pour continuer les progrès. Nous avons notamment observé que l'une des trois compagnies d'assurances a un taux de prescription inférieur du tiers. Il faudrait voir quelles sont leurs pratiques pour en tirer des leçons.»

En 2009, la Société canadienne de pédiatrie a recommandé que ses membres attendent 48 heures avant de prescrire un antibiotique pour une otite. Plus de 75% des otites sont causées par des bactéries, contre lesquelles les antibiotiques s'avèrent efficaces. Les autres sont causées par des virus, que les antibiotiques sont impuissants à combattre. Mais les otites guérissent le plus souvent avant même que l'antibiotique ait le temps de faire effet. Les efforts pour diminuer la prescription inutile d'antibiotiques visent à limiter la progression de la résistance des bactéries aux antibiotiques.

Situation au Canada

La situation est similaire au Canada, selon Karl Weiss, microbiologiste à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

«On peut toujours faire mieux, mais plus on approche d'un certain plancher, plus la tâche est difficile», dit le Dr Weiss, qui a publié en 2011 une étude montrant que le Québec a davantage réduit l'utilisation d'antibiotiques que le reste du Canada grâce à un programme mis en place en 2004. Faisant suite à plusieurs éclosions de souches résistantes aux antibiotiques de la bactérie C. difficile, ce programme s'adressait aux médecins et aux étudiants en médecine.

En baisse

L'étude de la Dre Vaz a noté une baisse particulièrement nette des ordonnances d'antibiotiques pour les enfants de moins de deux ans, 30% entre 2000 et 2010. La baisse était négligeable, mais toujours statistiquement significative, chez les enfants de plus de six ans.

L'étude de 2011 du Dr Weiss a calculé une baisse de 10% des prescriptions d'antibiotiques totales au Québec de 2003 à 2007. Il a aussi publié, l'automne dernier, une étude montrant une baisse de 7% des prescriptions d'antibiotiques au Canada entre 2000 et 2010.

Voici quelques mesures proposées dans un commentaire accompagnant l'étude de Pediatrics pour continuer à diminuer le nombre d'ordonnances d'antibiotiques chez les enfants. Selon Karl Weiss, elles s'appliquent mal au Québec.

Diminuer le nombre de prescriptions par téléphone, 10% du total aux États-Unis.

Au Québec, «il n'y a pas de données à ce sujet, mais c'est fortement découragé, même si les parents sont parfois insistants», dit le Dr Weiss.

Confier davantage de prescriptions aux infirmières dans les cliniques, car elles suivent de plus près les lignes directrices.

Les infirmières ne peuvent prescrire d'antibiotiques au Québec, et selon le Dr Weiss, le taux de prescription est probablement sous-évalué puisque les cas plus sérieux sont orientés vers les médecins.

Obliger les médecins qui prescrivent des antibiotiques en contravention avec les lignes directrices de justifier leur décision par écrit.

Cette obligation n'existe pas au Québec, et, selon le Dr Weiss, «n'est pas d'une grande utilité, car les gens peuvent inscrire ce qu'ils veulent».

Fournir des outils d'autotriage sur internet qui indiquent aux parents quand aller voir un médecin n'est pas nécessaire. Ainsi, le questionnaire d'autotriage du comté de Monterey, en Californie, suggère d'aller voir un médecin pour une grippe seulement en cas de peau mate ou bleue, de désorientation, de souffle court, d'étourdissements et d'absence d'urine pendant plus de 12 heures.

«C'est utile, mais limite et dangereux, dit le Dr Weiss. C'est un peu comme dire: pas besoin de pilote dans votre avion, car la majorité du temps, ce n'est pas grave. Il suffit de consulter un algorithme qui vous dira quoi faire. Pour ma part, je préfère un avion avec pilote.»