Tandis que l'alzheimer menace de frapper telle une épidémie, le Québec est enfermé dans un modèle calqué sur les hôpitaux qui ne répond pas du tout au bien-être des personnes atteintes, déplore le ministre de la Santé, Réjean Hébert.

Des études ont démontré que les petits milieux qui tentent de recréer un environnement familial sont plus appropriés, a expliqué le ministre au cours d'une entrevue avec La Presse sur la question de l'alzheimer.

« Il s'agit vraiment d'un milieu idéal pour faire en sorte qu'on ait le moins possible de troubles de comportement », a déclaré le ministre.

Or, il existe encore très peu de ressources de ce type. La maison Carpe Diem, qui fait figure de pionnière, a ouvert ses portes il y a 18 ans. Depuis, certaines résidences ont poussé, dont cinq maisons de la Société Alzheimer. Mais elles ne sont pas légion.

Changements nécessaires

Un changement de mentalité et une réforme du système sont nécessaires pour aller plus loin, croit le ministre, qui a passé la majeure partie de sa carrière comme chercheur, s'intéressant particulièrement aux personnes âgées en perte d'autonomie ou atteintes d'alzheimer.

« On est enfermé dans un modèle institutionnel et ce sont les modèles institutionnels qui vont chercher tous les budgets des soins à long terme. En fait, 83 % du financement des soins à long terme va à l'institutionnel, ce qui laisse très peu de marge de manoeuvre financière pour appuyer des alternatives à l'hébergement », déplore le ministre Hébert.

Le projet d'assurance autonomie, déposé à l'Assemblée nationale juste avant l'ajournement des Fêtes, profitera aussi aux personnes atteintes d'alzheimer puisqu'elles pourront utiliser leur allocation pour l'hébergement et les soins dont elles ont besoin, croit-il.

« Cela va favoriser l'éclosion de ce type de ressources innovantes en leur donnant du financement », dit le ministre en citant les ressources de type familial comme la maison Carpe Diem. « Actuellement, elles sont à la merci d'un financement transféré de la part des centres de santé et de services sociaux. »

Un virage est également en cours. Le gouvernement a imposé un quasi moratoire sur la construction de nouveaux CHSLD. Plusieurs établissements vétustes seront rénovés, ce qui fera en sorte de convertir des chambres multiples en chambres individuelles, réduisant du coup le nombre de lits disponibles.

L'argent ainsi récupéré pourra servir à financer des soins à domicile et des ressources intermédiaires, estime le ministre. « Il faut être capable d'opérer un virage. À Montréal, il tarde à s'implanter », insiste-t-il, conscient que cette décision suscite du mécontentement.

Le plan de réorganisation des services prévoit 500 lits de moins dans les CHSLD de Montréal en 2015 et 120 de moins à Québec.

Un plan d'action pour faire face à l'épidémie

Lentement, le gouvernement est également en train de mettre en place un plan d'action pour faire face à l'explosion du nombre de cas d'alzheimer dans les prochaines années. On prévoit que le nombre de personnes touchées va doubler d'ici 2030.

Dans la foulée du rapport Bergman, publié il y a près de cinq ans déjà, le Ministère a récemment autorisé 19 projets-pilotes totalisant 5 millions dans la province.

Les projets visent à mieux former les médecins, implanter de nouvelles cliniques de la mémoire pour favoriser le dépistage des personnes atteintes d'alzheimer, aménager des unités mieux adaptées aux personnes atteintes dans certains centres de soins de longue durée et offrir un meilleur accompagnement pour les familles.

« On est en action pour les six grandes recommandations du rapport Bergman », affirme le ministre.

Le regard qu'il porte sur l'alzheimer est optimiste. Même si la maladie est toujours incurable, la recherche progresse, fait-il valoir.

« On connaît davantage les causes et les mécanismes de la maladie d'Alzheimer maintenant qu'il y a 15 ans. Il a fallu 40 ans pour qu'on ait des traitements efficaces contre le cancer. Il va falloir encore quelques années pour trouver des traitements efficaces et trouver des moyens de prévenir et de ralentir la maladie. »