Les infirmières du Québec n'auront pas à décrocher obligatoirement un diplôme universitaire pour exercer leur profession dans les hôpitaux de la province - du moins, pas pour le moment.

La proposition formulée par l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) n'a pas rallié la majorité des membres du groupe de travail qui se penchait sur la question.

Devant l'absence de consensus, Québec dit donc non au baccalauréat obligatoire, a confirmé en entrevue téléphonique le ministre de la Santé, Réjean Hébert, mercredi.

«Je pense que c'est tout à fait la conclusion. Le bac obligatoire est loin d'avoir un consensus. On va garder deux voies de formation pour les infirmières», a-t-il affirmé.

Une analyse sectorielle plus approfondie sera menée afin de déterminer quelles tâches devraient revenir aux titulaires d'un diplôme d'études collégiales (DEC) et lesquelles devraient plutôt être du ressort des infirmières bachelières.

«On n'a jamais fait cet exercice-là, de déterminer quelles sont les compétences requises pour une infirmière formée au collégial et les compétences requises pour celles formées à l'université, et comment les programmes de formation devraient être modifiés, ajustés», a exposé le ministre Hébert.

L'OIIQ, qui était le principal porte-étendard de la proposition, a réagi avec une «profonde déception» et une «grande incompréhension» à la décision de reporter l'implantation du baccalauréat comme norme d'entrée à la profession infirmière.

«Malgré que le président (du groupe de travail) dise que notre proposition est la meilleure, on fait fi de ça et on reporte en créant un nouveau comité», s'est désolée Lucie Tremblay, présidente et directrice générale de l'OIIQ, en entrevue téléphonique.

L'auteur du rapport, le docteur Pierre Durand, abonde effectivement dans le même sens que l'ordre et prévient qu'un rehaussement de la formation des infirmières de la relève au niveau universitaire lui apparaît comme «un incontournable».

«Les leaders de la profession du Québec devront convenir de ce qu'ils souhaitent pour l'avenir de leur profession», conclut le docteur Durand dans le document rendu public mercredi.

Les dissensions sur le sujet ont été si marquées pendant les consultations du groupe de travail que son président a fini par signer le rapport en son nom personnel.

«Malgré les 11 rencontres qui se sont déroulées de janvier à novembre 2013, il n'a pas été possible d'obtenir de la part du groupe de travail un consensus sur ce que devrait être la formation de la relève infirmière au Québec», peut-on lire dans le document rendu public mercredi.

Selon l'OIIQ, la recherche de consensus à tout prix par des «intérêts particuliers» a plombé le processus.

«Le rapport est basé sur des études et des données probantes. (...) On aurait vraiment souhaité que le ministre Hébert prenne une décision (en s'appuyant sur les études mises de l'avant)», a martelé Mme Tremblay.

La proposition de l'OIIQ, qui remonte à juin 2012, avait provoqué une levée de boucliers du côté de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et de la Fédération des cégeps, entre autres.

La FIQ a d'ailleurs refusé d'avaliser et de cautionner le rapport et s'est opposée à son dépôt en y inscrivant sa dissidence.

Sa présidente, Régine Laurent, a dit espérer que le document soit tabletté et a lancé qu'il n'était aucunement représentatif des positions de «la grande majorité» des intervenants qui étaient autour de la table.

«Le ministre Hébert va probablement mettre ça sur une tablette, là où ça devrait aller, parce que ce n'est pas le rapport d'un comité. C'est la vision d'une seule personne, celle de M. Durand», a-t-elle fait valoir à l'autre bout du fil.

La majorité des membres du groupe de travail ont exprimé le souhait de conserver une formation collégiale «qualifiante», a souligné par voie de communiqué le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, dont le ministère sera responsable de l'étude en collaboration du ministère de la Santé.

La Fédération des cégeps s'est de fait réjouie de voir que la formation collégiale était préservée et a accueilli favorablement la recommandation concernant l'analyse des tâches exercées en soins infirmiers.

Même son de cloche du côté de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), qui faisait partie des intervenants du groupe de travail et qui a salué la «sage décision» du gouvernement.

«On était d'accord à ce qu'il y ait un rehaussement de la formation au niveau universitaire (...) mais on était aussi d'accord à ce qu'on maintienne une formation qualifiante au niveau collégial», a souligné Diane Lavallée, directrice générale de l'AQESSS.

La formation offerte par le réseau collégial constitue un «gage d'accessibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée dans l'ensemble des régions du Québec», a-t-elle ajouté.

Un sondage réalisé par la Fédération des cégeps auprès de ses étudiants en février 2013 avait permis de constater que 73 pour cent d'entre eux s'opposaient au baccalauréat obligatoire et que près d'un sur deux n'aurait pas choisi cette profession si la formation universitaire avait été requise.