«Mon mari est mort.» Si ce mensonge a permis à Caroline* de recevoir un don de sperme, il lui a aussi coûté la garde de son fils.

La femme de 38 ans est devenue le symbole des failles du programme québécois de procréation assistée. Elle a réussi en 2011 à convaincre des médecins de la clinique de fertilité du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) de l'inséminer alors qu'elle avait un passé criminel, qu'elle souffrait de troubles psychologiques et, surtout, que son conjoint de l'époque était atteint de déficience intellectuelle et d'un début de démence. L'hôpital a découvert la vérité après plusieurs mois de grossesse. Le poupon lui a été enlevé par la DPJ tout de suite après l'accouchement.

«Je n'ai même pas pu avoir 30 secondes tranquille avec mon fils avant qu'ils me le prennent. Je paye pour une erreur du système», rage la maman, en pleurs. «Si j'avais su que ça finirait comme ça, je ne l'aurais pas eu. Je ne suis pas une mère porteuse. Je le voulais tellement, mon bébé. Je l'aime. Je ne l'ai pas fait pour que quelqu'un d'autre l'élève à ma place.»

Deux ans après la naissance du garçon, Caroline a accepté de raconter son histoire pour la toute première fois. Pour partager sa peine. Pour que d'autres femmes ne vivent pas son cauchemar. Et pour crier sa rage haut et fort. «Sa chambre l'attend. Elle est toute prête.»

Refus et mensonge

En 2008, incapable de tomber enceinte naturellement, la femme s'est présentée à la clinique Procréa avec son conjoint de 28 ans son aîné. Elle rêvait depuis 10 ans, dit-elle, de devenir maman. Mais lorsque les médecins ont découvert que le futur papa était sous la responsabilité du Curateur public, ils ont refusé net.

Caroline s'est donc tournée vers une autre clinique, Ovo, où elle a fait mine d'être célibataire. On lui a répondu que l'enfant à naître devait avoir un père reconnu. C'est alors qu'elle s'est adressée au centre de reproduction du CUSM.

«J'ai fait semblant que mon mari était mort, raconte-t-elle. Je me suis tannée. Ça n'aurait jamais marché avec lui et j'avais envie d'être mère.» Après beaucoup d'examens et une rencontre obligatoire avec une psychologue à laquelle elle a répondu «de manière à ne pas rentrer dans les détails de son passé", elle est tombée enceinte. «Je savais ce qu'ils voulaient entendre, alors je leur ai dit. Je ne voulais pas revenir sur de vieilles histoires.»

La date où elle a appris la bonne nouvelle est gravée à jamais dans sa mémoire. Tout comme la couleur rose du test sanguin. «J'étais tellement contente.»

Décision de la Cour

C'est quand les médecins ont découvert que son mari n'était pas mort que les choses ont tourné au vinaigre.

«Ils étaient vraiment fâchés», se souvient la mère. Durant la même période, son médecin traitant a constaté qu'elle manquait de jugement et qu'elle n'arriverait pas à prendre soin de son enfant, raconte une décision de la Cour du Québec qui l'a officiellement déclarée incapable de s'occuper du bébé.

Après un accouchement de près de 20 heures, une intervenante de la DPJ a annoncé à la nouvelle maman, complètement épuisée, qu'elle ne pourrait pas ramener le poupon chez elle. «J'ai crié. J'ai hurlé. Je ne comprenais pas.»

Vers l'adoption

Durant les premiers mois suivant la naissance de l'enfant, elle l'a vu une fois par semaine. Puis ce fut une fois par mois. Ses droits de visite ont récemment été diminués encore plus, une étape vers l'adoption.

«S'ils ne voulaient pas que je l'aie, pourquoi ils m'ont fécondée? demande Caroline. Ils ont transformé ma vie en cauchemar.»

Elle s'est dotée d'une avocate et souhaite se soumettre à une évaluation psycholégale qu'elle n'a pas les moyens de payer dans un ultime espoir d'obtenir la garde ou, du moins, de pouvoir conserver son droit de visite. «C'est mon sang. C'est mon gars. Je suis capable d'en prendre soin.»

Selon la cour, les perspectives de l'enfant de retourner un jour vivre avec sa mère sont «sombres».

* La loi nous interdit de révéler le nom complet de la mère pour protéger l'identité de son enfant.