Le projet de loi 52 sur les soins en fin de vie, déposé mercredi par le gouvernement du Québec, est considéré par certains comme la plus grande avancée pour les droits individuels depuis la victoire des femmes pour le recours à l'avortement. Pour d'autres, la société québécoise s'apprête à s'engager dans une voie dangereuse.

Le président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, Claude Leblond, croit que cette nouvelle étape est une avancée majeure qui confirme qu'une personne a le droit de prendre elle-même les décisions qui la concernent.

«Les femmes ont mis des années à faire reconnaître leur droit fondamental de mettre un terme à une grossesse non désirée. Lorsqu'il sera acquis, le droit de recourir à une aide médicale à mourir représentera une victoire comparable», a indiqué M. Leblond.

En vertu du projet de loi, les patients gravement malades et souffrants pourront recevoir l'aide nécessaire pour mettre un terme à leur existence. Ils devront le faire de manière éclairée et ce droit est réservé également aux personnes majeures. Pour M. Leblond, cela ouvre la porte à d'autres considérations, qu'il faudra tôt ou tard aborder.

«Il reste des questions en lien avec les balises pour les personnes qui ne seront plus en mesure de consentir ou les enfants qui souffrent et vivent des fins de vie et qui souhaiteraient peut-être avoir ce même droit, mais le consensus social n'est pas encore rendu-là», a-t-il ajouté.

Le Regroupement provincial des comités des usagers abonde dans le même sens et se réjouit également de voir que l'accès aux soins sera étendu partout au Québec. Le directeur général du regroupement, Pierre Blain, est aussi satisfait de voir que le gouvernement ait opté pour une reconnaissance des droits à l'autonomie décisionnelle, à l'information et à choisir son lieu de fin de vie.

M. Blain se dit convaincu que le projet de loi 52 réussira à franchir la prochaine étape et deviendra loi.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et celle des médecins spécialistes (FMSQ) ont toutes deux accueilli favorablement le dépôt du projet de loi, mercredi.

Le président du FMSQ, le docteur Gaétan Barette, a souligné que le projet de loi sur les soins de fin de vie était attendu par l'ensemble des médecins spécialistes et par les Québécois.

«Il s'agit d'un excellent projet de loi, bien rédigé, réfléchi, posé et respectueux, qui répond aux demandes exprimées par la grande majorité de la population et par les médecins spécialistes», a-t-il soutenu.

La FMOQ se montre elle aussi satisfaite, mais souligne tout de même que l'aide à mourir devra «demeurer exceptionnelle et être extrêmement bien balisée».

Quant à la Société canadienne du cancer, elle demande à ce que le projet de loi soit rapidement adopté pour avoir force de loi, afin de concrétiser cette bonification aux soins palliatifs dont «l'insuffisance compromet le bien-être» des patients en fin de vie.

Les réactions sont néanmoins partagées, la Coalition des médecins pour la justice sociale décriant la brèche portée au rôle fondateur de la médecine.

Le docteur Paul Saba estime que la majorité des médecins n'accepteront jamais l'euthanasie comme une pratique médicale.

«C'est immoral de donner une piqûre avec l'intention de raccourcir les jours des patients», a insisté le docteur Saba, estimant que cette dérive est contraire à la déontologie et au serment d'Hippocrate.

Le Collectif de médecins du Refus médical de l'euthanasie et le réseau citoyen Vivre dans la dignité rappellent que l'euthanasie consiste à tuer volontairement et directement une personne et qu'à ce titre tuer n'est jamais un soin.

«Les Québécois ont déjà le droit de refuser ou de faire interrompre un traitement. Ils ont déjà le droit de dire «non» à l'acharnement thérapeutique et de bénéficier de médicaments antidouleur efficaces», a dit l'avocat à la retraite Michel Racicot, porte-parole du réseau citoyen.

Il estime que dans ce contexte, l'euthanasie n'est pas nécessaire.

Quant à lui, le Collège des médecins estime que Québec a livré un projet de loi qui correspond à ses réflexions amorcées depuis 2006 sur cette question. Même s'il réserve ses commentaires détaillés pour plus tard, le Collège souligne que le gouvernement a donné suite à ses recommandations d'inclure la sédation palliative et l'aide médicale à mourir dans le continuum de soins en fin de vie.

Un guide sur la pharmacologie des soins de fin de vie et sur la sédation palliative est par ailleurs en cours de réalisation. Ce document devrait être rendu public au cours des prochaines semaines.