Les patients québécois se voient parfois imposer des frais médicaux exorbitants et illégaux, croit le regroupement Médecins québécois pour le régime public (MQRP), qui a lancé dimanche un outil d'information sur les coûts réels des soins de santé.

«Un de mes patients a dû payer 80 $ pour une anesthésie locale, faute de quoi on le menaçait de ne pas faire analyser sa biopsie», a déploré Camille Gérin, coauteure du rapport «Pas de frais pour les patients - Parce que payer de sa santé n'a rien d'accessoire». Dans les faits, la xylocaïne, utilisée pour ce type d'anesthésie, ne coute qu'un dollar le millilitre, a-t-elle ajouté. Or des frais supérieurs au coût réel d'un médicament sont contraires à la Loi sur l'assurance maladie, a souligné MQRP. Une injection de cortisone ne devrait donc pas coûter davantage que quatre dollars, tandis que le prix d'un stérilet avec hormones ne devrait pas dépasser les 320 $. Les radiographies, endoscopies et autres tests de dépistage d'infections transmises sexuellement devraient quant à eux être gratuits.

Pour s'y retrouver, la population peut pour le moment consulter l'outil créé par MQRP. Ou éplucher le rapport de 68 pages qu'il a déposé. «C'est difficile de démêler ce qui est légal et ce qui est illégal», a reconnu Alain Vadeboncoeur, président de MQRP. «Les patients sont en position de vulnérabilité. Ils ne le savent pas, tandis que la RAMQ [Régie de l'assurance maladie du Québec] n'est pas très stricte sur l'application de la loi.»

En réponse à l'initiative de MQRP, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) a défendu un mal nécessaire attribuable à l'État. «Les frais accessoires irritent bien des gens, nous le comprenons», a indiqué le président de la FMSQ, Gaétan Barrette, dans un communiqué. «MQRP représente un très petit nombre de médecins et ses positions nous apparaissent pour le moins dogmatiques. C'est son choix. Cependant, les frais accessoires ont toujours été et demeurent la résultante de l'indécision gouvernementale quant à la couverture publique et adéquate des coûts opérationnels encourus pour la dispensation des services médicaux par le régime public. C'est parce que l'État refuse de couvrir ces frais que ceux-ci existent. Pas parce que les médecins le désirent», a poursuivi Dr Barrette.

Dans son rapport, MQRP blâme plutôt le virage ambulatoire, ce projet de «déshospitalisation» parrainé par l'ex-ministre péquiste Jean Rochon, pour ce qu'il qualifie de marchandisation croissante des soins de santé.

«Le virage ambulatoire amorcé dans les années 90 n'a pas été accompagné d'un financement et d'un soutien suffisants pour les soins prodigués en dehors des hôpitaux et dans les services ambulatoires des établissements publics. Ces manques ont ensuite été exploités par divers groupes d'intérêts», note MQRP. «Cette tendance affecte également la profession médicale qui, d'un côté, a vu sa capacité à offrir des soins compromise par le sous-financement du système et de l'autre, son pouvoir de négociation accru par la difficulté d'accès aux médecins. Certains médecins ressentent ainsi comme inévitable - et même justifié - le paiement de frais par les patients pour financer les soins.»