D'ici quelques mois, les patients québécois en fin de vie pourraient bénéficier de deux nouveaux droits: celui de réclamer une aide médicale pour mettre fin à leurs jours, mais aussi celui de bénéficier des traitements de soins palliatifs dans toutes les régions de la province.

C'est du moins ce que prévoit le projet de loi que la ministre déléguée à la Santé, Véronique Hivon, espère déposer à l'Assemblée nationale dès demain, a appris La Presse.

Pivot du projet de loi, l'aide médicale à mourir a dû être définie. On s'est bien davantage orienté vers le «modèle européen», nous indiquent diverses sources bien au fait du dossier, où le médecin administre lui-même les médicaments qui mettront fin à la vie du patient. On a ainsi rejeté le modèle du suicide assisté, en vigueur dans trois États américains, ainsi qu'en Suisse.

Les mêmes sources indiquent à La Presse que les conditions pour demander cette aide médicale à mourir sont à peu près les mêmes que celles recommandées par le rapport d'experts, qui a suivi la commission parlementaire Mourir dans la dignité.

Pour demander à mourir, il faudra donc être apte, majeur, souffrir d'une maladie incurable et de souffrances inapaisables avec la pharmacopée usuelle.

Un médecin qui aiderait un patient à mourir dans ces circonstances ne serait pas poursuivi par le Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Un nouvel organisme

On trouve cependant un changement notable dans le projet de loi: c'est un nouvel organisme qui fera le suivi des actes d'aide médicale à mourir pratiqués dans les hôpitaux.

Le comité d'experts avait recommandé que le suivi se fasse par l'entremise du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) de chaque établissement de santé. Or, le gouvernement a craint que les médecins opposés à l'euthanasie, qui siègent aux CMDP, ne fassent, dans certains cas, dérailler le processus.

On créera donc un nouvel organisme «un peu comme en Belgique, mais en moins complexe», nous dit-on, qui réexaminera a posteriori chaque mort survenue sous le régime d'aide médicale à mourir.

En Belgique, la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie compte cinq membres, qui révisent chaque cas d'euthanasie pratiqué dans les hôpitaux.

Si le cas leur semble hors norme, ils peuvent demander des précisions au médecin en cause. Et si d'aventure ils jugeaient que les règles n'ont pas été respectées, le médecin pourrait être poursuivi pour meurtre. Aucune poursuite n'a été intentée depuis que l'euthanasie a été dépénalisée, il y a 10 ans.

Le droit aux soins palliatifs

Par ailleurs, le même projet de loi garantira aux Québécois, où qu'ils se trouvent sur le territoire, l'accès à des soins palliatifs. «Ça deviendrait un droit. Les patients pourront l'exiger et les établissements auront l'obligation de le dispenser.»

Durant la commission parlementaire, le Barreau avait notamment plaidé pour que les établissements de santé aient l'obligation d'offrir des soins palliatifs.

En mai dernier, la première ministre avait annoncé, lors d'un congrès international sur les soins palliatifs, que son gouvernement allouerait 15 millions d'argent frais aux soins palliatifs.

«Pour notre gouvernement, il est essentiel de bonifier l'offre de soins palliatifs et d'en améliorer l'accès», avait-elle déclaré.

À l'heure actuelle, les objectifs fixés pour les soins palliatifs par le ministère de la Santé - la norme est d'un lit pour 10 000 habitants, donc 795 lits au total dans la province - sont loin d'être respectés.

Selon des chiffres obtenus par l'Association québécoise des retraités du secteur public l'an dernier, la région de Laval, par exemple, ne compterait que 24 lits de soins palliatifs pour une population de 400 000 habitants. Montréal, Lanaudière et les Laurentides seraient aussi en important déficit de lits.

Dans le rapport définitif de la commission, on avait également souligné que moins de 10% des personnes atteintes d'un cancer avaient accès à des soins palliatifs à domicile. Pourtant, plus de 80% des Québécois désiraient mourir à la maison.