Des résidus d'un anti-inflammatoire toxique pour l'humain ont été trouvés plus tôt ce mois-ci dans deux pièces de boeuf vendues au Québec, a appris La Presse. «Parmi des contaminants chimiques variés, on a détecté récemment des traces de phénylbutazone dans deux échantillons», a confirmé hier Johanne Minville, conseillère en salubrité des aliments au ministère de l'Agriculture (MAPAQ).

La phénylbutazone est un analgésique et un anti-inflammatoire utilisé pour traiter la boiterie chez le cheval, qui n'est pas homologué pour le boeuf au Canada. Ses résidus, qui peuvent mener à des troubles hépatiques, représentent «un risque élevé pour la santé humaine», selon l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec. Le danger est tel que l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) applique une politique de tolérance zéro quant à la présence de cet anti-inflammatoire dans les aliments.

Il ne s'agit pas de deux cas isolés. Au cours des derniers mois, l'Ordre des vétérinaires «a été informé que des résidus médicamenteux issus de l'utilisation de la phénylbutazone ont été détectés dans des lots de viande destinés au réseau de distribution alimentaire du Québec». Cette information se trouve dans un avis que l'Ordre a adressé à ses membres le 21 février dernier, «devant la récurrence du problème».

Évaluation du risque en cours

La viande contaminée trouvée ce mois-ci provient «d'un fournisseur de l'extérieur du Québec», a indiqué Mme Minville. C'est, en conséquence, l'ACIA qui procède à «l'évaluation du risque qui est en cours», a-t-elle précisé. L'agence fédérale n'a pas pu donner de détails, hier.

En Europe, des résidus de phénylbutazone ont été récemment détectés dans 16 échantillons de cheval, à la suite du scandale des plats à la viande de cheval faussement identifiée comme du boeuf.

Vétérinaire poursuivi

Au Québec, l'Ordre des médecins vétérinaires a avisé formellement ses membres «qu'il est non recommandé et fortement déconseillé d'utiliser la phénylbutazone pour un animal destiné ou potentiellement destiné à la consommation».

La Presse a appris qu'un vétérinaire a déposé une réclamation à la compagnie d'assurance La Capitale, après avoir été poursuivi pour ce qui serait une ordonnance inadéquate de phénylbutazone. «Nous avons une réclamation d'un professionnel vétérinaire qui est notre client, on fait enquête dans ce dossier-là», a confirmé hier Manon Corneau, conseillère en communications à La Capitale. En lien avec la phénylbutazone? «C'est ça», a-t-elle dit. Le dossier est confidentiel, a-t-elle ajouté.

«On a été avisés au début de l'hiver qu'il y avait une requête en assurance responsabilité professionnelle, a indiqué le Dr Joël Bergeron, président de l'Ordre. On a décidé d'envoyer un avis général, pour éviter que cette situation-là se représente.»

La fréquence des problèmes liés à la phénylbutazone «serait très faible, a souligné le Dr Bergeron. Mais malheureusement, les conséquences peuvent être sérieuses. On ne peut pas prendre de chance.»

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S'approvisionner sur l'internet ou ailleurs

«Notre grande inquiétude, c'est la capacité de plus en plus grande qu'ont les propriétaires d'animaux de se procurer différents produits», dit le Dr Joël Bergeron, président de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec. Des éleveurs se procurent des médicaments dans d'autres provinces ou aux États-Unis, où l'ordonnance vétérinaire n'est pas obligatoire. L'achat «par l'internet est aussi de plus en plus accessible», déplore-t-il. En vertu de la politique d'importation «pour usage personnel» de Santé Canada, les éleveurs peuvent importer une quantité de médicaments permettant d'approvisionner leurs animaux pendant 90 jours. «Dans l'Ouest canadien, 5000 boeufs peuvent être traités et c'est considéré comme usage personnel», dénonce le Dr Bergeron. L'Association canadienne des médecins vétérinaires a demandé en juillet à Santé Canada de mettre fin à cette échappatoire.