Depuis janvier 2012, les médecins du Québec doublent les doses d'antibiotiques qu'ils prescrivent pour combattre la gonorrhée. «C'est parce qu'il y a eu des cas d'échec avec la dose standard», explique le Dr Pierre Côté, de la clinique médicale Quartier latin, à Montréal.

Cette solution ne durera qu'un temps. Au Québec, cette infection transmise sexuellement - qu'on n'attrape donc pas à l'hôpital... - est sur le point de devenir résistante aux céphalosporines, antibiotiques utilisés pour la traiter. Déjà, des pays d'Europe, d'Asie et d'Océanie sont aux prises avec des cas de gonorrhée presque incurables, dont il faut prévenir de toute urgence la propagation, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Chez nous, «on voit apparaître des souches de gonorrhée qui ont une sensibilité réduite aux céphalosporines, confirme Brigitte Lefebvre, responsable des analyses et expertises au Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ). On s'approche du seuil où ce sera préoccupant». Aucun nouveau médicament antigonorrhée n'est en cours de développement, rapporte l'OMS.

Étonnamment rusée, la bactérie responsable de la gonorrhée sait depuis longtemps déjouer la pénicilline et la tétracycline. Et 35% des souches analysées au Québec en 2011 étaient résistantes à la ciprofloxacine, autre antibiotique préalablement prescrit. «Il n'y a pas beaucoup d'autres options», constate Mme Lefebvre, qui teste néanmoins des traitements de rechange.

Hausse de 407% des cas au Québec

Il faut faire vite: le nombre de gonorrhées «augmente de façon importante depuis quelques années», selon l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Dans la province, les cas sont passés de 485 à 2460 par an entre 1997 et 2011, une importante hausse de 407%. La région de Montréal est particulièrement touchée, avec plus de 65% des infections en 2011.

La réalité est probablement pire. «C'est clair que le nombre est sous-estimé, parce qu'on ne teste pas tout le monde», estime le Dr Côté. On peut être porteur de la bactérie - et la transmettre - sans avoir de symptôme. Point positif, la «chaude-pisse» se dépiste maintenant avec un simple test d'urine; le douloureux écouvillonnage de l'urètre de l'homme n'est plus nécessaire. «C'est peut-être pour ça qu'on en détecte davantage qu'avant», avance le Dr Côté.

Chaque année dans le monde, 106 millions de personnes contractent la gonorrhée, qui se propage par relation sexuelle orale, vaginale ou anale et qui peut causer la stérilité. «Ce qui est problématique, c'est que la gonorrhée peut se transmettre facilement dans la population», souligne Mme Lefebvre. Au Canada, ce sont principalement les jeunes adultes de 20 à 29 ans qui sont touchés par cette bactérie qui renaît quand on la croit vaincue.

Cas de gonorrhée déclarés au Québec de 1988 à 2011 :