Pour freiner la montée des superbactéries, il faut prescrire moins d'antibiotiques. Bien que les Québécois en consomment moins que les autres Canadiens, il y a encore des efforts à faire. D'autant plus que les infections résistantes ne s'attrapent pas que dans les hôpitaux: certaines courent littéralement les rues, comme la gonorrhée, qui fait un retour fracassant.

Mia et Stella Murray, deux soeurs âgées de 2 et 3 ans, n'ont jamais pris d'antibiotique. Même si elles fréquentent un centre de la petite enfance accueillant 175 enfants!

Les fillettes ont déjà eu de bonnes grippes, accompagnées d'une forte fièvre. Le médecin a alors recommandé de leur donner «du Tempra, une bonne hydratation et de la solution saline pour éviter la congestion et diminuer le risque d'otite et de conjonctivite», se souvient Claudine Pearson, leur mère.

«Le Québec est la province canadienne qui consomme le moins d'antibiotiques par habitant», dit le Dr Karl Weiss, microbiologiste et infectiologue à l'Université de Montréal et à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. En 2009, les pharmaciens de détail ont traité 561 ordonnances d'antimicrobiens oraux par tranche de 1000 personnes au Québec. À Terre-Neuve, ce taux atteint pratiquement le double.

Ce n'est pas un hasard: afin de lutter contre l'antibiorésistance, le ministère de la Santé a envoyé 30 000 guides de prescription d'antibiothérapie aux médecins et pharmaciens du Québec, en janvier 2005. «Plusieurs études - qui n'ont toutefois pas été faites au Québec - indiquent que de 20 à 50% des antibiotiques ne sont pas prescrits pour des utilisations appropriées», souligne le Dr Christian Lavallée, aussi microbiologiste à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Réserver les bombes atomiques aux infections graves

Éviter de donner des antibiotiques quand une infection virale est soupçonnée, prévoir la durée de traitement la plus courte possible et bien choisir la classe d'antibiotique font partie des lignes directrices données. «Il y a des antibiotiques de base et il y en a qui sont de générations avancées, explique le Dr Charles Bernard, président du Collège des médecins du Québec. Si on donne la bombe atomique pour régler un petit problème, on contribue à la formation de résistances.»

L'envoi des guides a été un succès. Le nombre de prescriptions d'antibiotiques par tranche de 1000 habitants a diminué de 10,5% au Québec entre 2003 et 2007, selon une étude dirigée par le Dr Weiss. Dans les autres provinces, il a plutôt augmenté de 1,4% au cours de la même période. Depuis, le taux québécois semble toutefois reparti à la hausse, même s'il reste inférieur à la moyenne canadienne. La mise à jour des guides, réalisée en juin dernier, rappellera peut-être les plus généreux à l'ordre.

La Suède consomme 30% moins d'antibiotiques

Mais le Québec peut faire encore mieux. En Suède - un pays qui connaît l'hiver et ses tourments -, le nombre de prescriptions d'antibiotiques pour 1000 habitants était d'à peine 385 en 2011. C'est 30% moins qu'ici. «Ce qu'il nous reste à faire, c'est la surveillance plus continue de la consommation d'antibiotiques», suggère le Dr Weiss.

Geneviève Allard (sans lien de parenté avec l'auteure de ces lignes), mère de trois enfants des Laurentides, croit que tous ne font pas un usage sensé de ces molécules. «Quand on consulte, les médecins prescrivent encore souvent des antibiotiques, indique-t-elle. Autour de moi, je vois d'ailleurs des gens qui en réclament comme si c'était un truc miracle.»

Mélanie Gauvin, mère de deux enfants de Montréal, préfère la prudence. «En voyant un tympan un peu rouge, le pédiatre m'a déjà remis une ordonnance d'antibiotiques, en me disant d'en donner si l'état de mon enfant se dégradait, se souvient-elle. J'ai été à l'aise avec le fait de le laisser combattre.» L'ordonnance n'a pas servi.

Les antibiotiques représentent moins de 5% des produits en cours de recherche et développement, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Au cours des 30 dernières années, seules deux nouvelles classes d'antibiotiques ont été mises en marché pour lutter contre les bactéries à Gram positif (streptocoques, listérioses, etc.). Aucune n'a été commercialisée pour s'attaquer aux bactéries à Gram négatif, telles les dangereuses KPC et NDM-1.



Moins d'ordonnances d'antimicrobiens au Québec

Ordonnances d'antimicrobiens oraux exécutées par les pharmacies de détail en 2009, par 1000 habitants, par province canadienne:

Source: Rapport sommaire sur l'utilisation des antimicrobiens chez les humains 2000-2009, gouvernement du Canada