En septembre dernier, un bébé a confirmé que le Québec est menacé par les nouvelles superbactéries mortelles. La quasi invincible New Delhi métallo-bêta-lactamase (NDM-1), une enzyme qui rend les bactéries résistantes à presque tous les antibiotiques, a été détectée chez ce bébé, dans un hôpital de la région de Québec.

«Il s'agit d'un bébé qui a été préalablement hospitalisé en Inde», précise Brigitte Lefebvre, responsable des analyses et expertises au Laboratoire de santé publique du Québec. Un seul autre cas de NDM-1 a été recensé dans la province, celui d'un homme ayant contracté cette enzyme lors d'une opération en Inde. Il en est mort, en décembre 2010.

Le bébé n'était que porteur de cette souche résistante. «La grosse crainte, explique Mme Lefebvre, c'est que si le patient s'infecte, c'est très difficile à traiter.» Très récente, l'émergence des entérobactéries résistantes aux carbapénèmes - dont fait partie la NDM-1 - «est un problème de santé majeur», selon un rapport de l'Institut national de santé publique (INSPQ) paru en 2012. Les carbapénèmes sont des antimicrobiens utilisés contre les infections déjà insensibles aux autres classes d'antibiotiques. Quand les bactéries sont capables de déjouer ces traitements de dernier recours, on va vers «des impasses thérapeutiques», dit sobrement l'INSPQ.

La NDM-1 menace plus fortement le reste du Canada. Au 31 août dernier, 88 cas avaient été signalés par l'ensemble des provinces, selon Sylwia Krzyston, porte-parole de l'Agence de santé publique du Canada. Fait inquiétant, l'enzyme a commencé à se propager chez des gens qui n'ont pas voyagé dans le sous-continent indien, notamment dans des hôpitaux de la région de Toronto.

Une autre superbactérie à l'Hôpital général juif

Depuis trois ans, l'Hôpital général juif de Montréal combat, quant à lui, Klebsiella pneumoniae carbapenemase (KPC), une autre entérobactérie résistante. De 2010 à 2012, 97 patients de cet hôpital ont contracté cette superbactérie. Combien sont morts? L'établissement a refusé de le dire. «Nous n'avons pas la réponse à cette question», a indiqué par courriel Astrid Morin, agente de communication de l'Hôpital général juif.

La KPC n'y a pas encore été vaincue. «Cette bactérie est toujours présente, cependant nous avons mis en application des moyens afin d'essayer de contrôler le plus possible sa propagation», a précisé Mme Morin. Les patients contaminés sont réunis dans la même unité, où travaille du personnel attitré.

»Il est possible que le phénomène se répande»

Ces nouvelles menaces sont si sérieuses qu'un programme québécois de surveillance des souches d'entérobactéries résistantes aux carbapénèmes a été créé à l'été 2010. Après 15 mois d'existence, il avait permis d'identifier 42 souches sporadiques et deux éclosions dans deux centres hospitaliers de Montréal, dont l'Hôpital général juif.

C'est relativement limité pour l'instant. Mais «il est possible que le phénomène se répande malgré les bonnes pratiques de prévention et de contrôle des infections, si l'on en croit ce qui est décrit dans plusieurs autres pays», prévient l'INSPQ. Israël, la Colombie, la Grèce, Porto Rico, même les États de la côte est américaine sont aux prises avec des problèmes endémiques de KPC.

Les gens qui ne sont pas hospitalisés ont peu à craindre. «Ce ne sont pas des bactéries qui semblent très contagieuses en dehors des hôpitaux, où il y a un environnement favorable à la transmission, observe le Dr Christian Lavallée, microbiologiste à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Si c'était aussi contagieux que la grippe, on serait dans le trouble.»

Neuf hôpitaux du Québec ont détecté 83 souches résistantes de type Klebsiella pneumoniae carbapenemase (KPC)

5 hôpitaux de Montréal ont isolé 77 souches de type KPC.

2 hôpitaux de Québec ont isolé 2 souches KPC.

1 hôpital de Laval a isolé 3 souches KPC.

1 hôpital de Montérégie a isolé 1 souche KPC.

Source: Rapport sur la surveillance de laboratoire des souches d'entérobactéries résistantes aux carbapénèmes isolées au Québec entre août 2010 et octobre 2011, INSPQ.