De l'extérieur, le dispensaire montréalais d'Adam Greenblatt a l'air d'un simple appartement. Pas de vitrine, pas d'enseigne. Seulement une note à peine visible qui précise les heures d'ouverture.

La Société pour l'accès au cannabis médical sert pourtant à partir d'ici près de 3000 patients - que ce soit des brownies qu'elle cuit dans la cuisine et distribue à des dispensaires d'ailleurs au pays ou du cannabis qu'elle vend sur place, à quelque 200 patients.

Or, malgré le projet de réforme du programme de marijuana médicale canadien, qui propose de créer une nouvelle industrie légale de production et de distribution, M. Greenblatt n'est pas près d'installer un néon clignotant au-dessus de sa porte.

Selon les règles envisagées, les seuls moyens de distribuer de la marijuana séchée seraient par courrier sécurisé ou dans les pharmacies (qui sont elles-mêmes réticentes à s'engager dans cette voie). Rien n'a été prévu pour les dispensaires.

Puisqu'il souhaite continuer à aider ses patients, Adam Greenblatt a le choix: «Je peux m'engager dans la voie pleinement légale ou continuer sur cette route de désobéissance civile - qui devient de plus en plus risquée chaque jour», dit-il.

«Ce serait avantageux pour nous de faire une demande et de recevoir un de ces permis, parce que j'ai hâte d'apporter des changements à ces règlements de l'intérieur du système», dit le directeur général de la Société.

Failles, inquiétudes et occasions

Le jeune Montréalais n'est pas le seul: plusieurs exploitants de dispensaire à qui La Presse a parlé au cours des dernières semaines songent eux aussi à faire le saut dans l'industrie que propose de créer le gouvernement d'ici au printemps.

Ce qui ne veut pas dire qu'ils trouvent que le système proposé est parfait, au contraire.

Plusieurs critiquent le fait que seule la marijuana séchée demeure permise. Les produits comestibles ou les onguents restent en effet exclus du régime de marijuana médicale canadien. Certains jugent qu'il est illogique de forcer certains patients, comme des cancéreux en phase terminale, à fumer ou à inhaler du cannabis.

L'Association canadienne des dispensaires de cannabis médical travaille aussi pour convaincre les gouvernements provinciaux de changer leurs règles afin de permettre aux dispensaires d'agir en quelque sorte comme des pharmacies, et d'ainsi pouvoir distribuer de la marijuana médicale dans le cadre du nouveau régime.

Enfin, les exigences quant aux antécédents judiciaires des dirigeants de société dans la nouvelle industrie en font hésiter certains.

«On ne sait pas si les règlements sont écrits pour nous, pour faciliter notre légalité, ou s'ils seront utilisés pour nous combattre davantage», lance Adam Greenblatt. Il demeure cependant convaincu qu'Ottawa serait fou de se passer de l'expertise, du leadership et de l'engagement communautaire que détiennent ses collègues et lui.