Un pharmacien du CHUM, accusé d'avoir volé un dérivé de morphine sur son lieu de travail puis de se l'être injecté, était héroïnomane depuis plusieurs années lorsqu'il a été recruté, selon des documents de l'Ordre des pharmaciens.

Marc-André Sauriol, embauché par l'hôpital Saint-Luc en 2009, «avait une forte dépendance à l'héroïne depuis le cégep, et ce, de façon intermittente depuis 2002», a-t-il avoué à la syndique de l'ordre.

Depuis le «début de l'année 2012» et jusqu'à sa suspension à la fin du mois d'octobre, il s'est comporté de façon «anormale et erratique» au travail, selon ses collègues cités dans le même document. Il avait des «difficultés à marcher, à se mouvoir, à écrire» et allait même jusqu'à «travailler nu-pieds» en plein hôpital.

Le 29 octobre dernier, des collègues du jeune homme se sont rendu compte qu'il avait subtilisé trois doses injectables d'hydromorphone, dérivé de la morphine. L'hôpital l'a immédiatement suspendu.

Une semaine plus tard, devant ses patrons, Marc-André Sauriol «a avoué avoir subtilisé environ 20 ampoules d'hydromorphone qu'il s'appropriait afin de les consommer à son domicile», selon la syndique de l'Ordre des pharmaciens. Cette puissante substance est considérée comme un stupéfiant par la législation fédérale.

Selon les explications du pharmacien lui-même, il a commencé «en mars 2012» un traitement à la méthadone pour tenter de se débarrasser de sa dépendance à l'héroïne. Mais, pendant qu'il «vivait des problèmes personnels», la «facilité d'accès des stupéfiants» serait devenue une «tentation», d'où le vol.

En plus d'être accusé d'avoir subtilisé et d'avoir consommé le puissant analgésique, M. Sauriol se fait aussi reprocher par la syndique d'avoir refusé à deux reprises de se soumettre à un test de dépistage de drogues en novembre dernier, après qu'on a découvert le vol. Il assurait pourtant ne consommer que des médicaments sous ordonnance.

Finalement, la syndique de l'Ordre des pharmaciens l'accuse de s'être inventé de l'expérience de travail sur un curriculum vitae. L'accusé a tenté de trouver un travail dans une pharmacie privée au lendemain de sa suspension du CHUM.

Radié temporairement

Mardi dernier, devant le comité de discipline de l'ordre professionnel, M. Sauriol a consenti à se faire retirer son droit de pratique de la pharmacie au moins le temps du processus. Il s'est soumis à une «cure fermée» jusqu'au 15 janvier dernier et est «toujours en suivi auprès de ses thérapeutes», selon ce qu'a indiqué son avocate.

Joint hier matin, le CHUM a affirmé ne pas être en mesure de répondre aux questions de La Presse, notamment concernant les mesures de contrôle des candidats à l'embauche, avant la fin de la journée.

La semaine dernière, la porte-parole de l'hôpital avait affirmé qu'aucun patient n'avait souffert des gestes présumés du pharmacien.

«Il est retiré de ses fonctions» depuis que les vols ont été constatés, avait assuré Sylvie Robitaille. Selon l'accusation, il pourrait toutefois exister un délai de plus de 10 jours entre le début des vols et la découverte des faits.

L'avocate du principal intéressé dans cette affaire a refusé de commenter le dossier.

«On n'a même pas pris connaissance de l'entièreté de la preuve, a affirmé Me Josée Lavallée. Je n'ai pas d'autres commentaires.»

Elle a toutefois rejeté l'idée selon laquelle M. Sauriol aurait fait des aveux. «Moi, je ne vois pas d'aveux», a-t-elle assuré, ce qui contredit les informations contenues dans les documents de l'Ordre des pharmaciens. La syndique y affirme que l'accusé a admis le vol à au moins deux reprises.