Au lieu de baisser les bras, le gouvernement devrait revenir à la charge avec la cible d'attente de 12 heures des libéraux pour les patients sur les civières et redéfinir les taux d'occupation, estime la direction des urgences de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, et ce, en commençant par dévoiler à la population le véritable portrait dans les urgences du Québec. Un portrait très noir, constate La Presse.

Les urgences de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal ont beau avoir été rénovées au coût de 28 millions pour accélérer les soins, elles débordent. Faute d'espace, une trentaine de patients sont cordés dans des couloirs qui servent normalement de passages. Des malades sont couchés dans un coin où on remise normalement de l'équipement médical. Et les jours où ça va vraiment mal, des patients sont placés dans les salles de réanimation le temps qu'on dégage une civière ailleurs ou que les médecins parviennent à les faire hospitaliser sur les étages.

Les chiffres officiels de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal ont fait état d'un taux d'occupation de 167% cette semaine, avec 77 patients pour 46 civières. Il faut souligner que cette photo des urgences est prise à 8h le matin. Mais c'est loin d'être le reflet de la réalité au pic de 14h dans cet hôpital spécialisé en traumatologie, estime la direction de Sacré-Coeur. Il faudrait plutôt parler d'un taux d'occupation de 267%, avec une durée d'attente moyenne sur les civières de 34 heures, s'entendent pour dire les chefs des urgences. «On fait ce qu'on peut», lance la Dre Marie-Michelle Robert, chef du service, en invitant La Presse à constater la situation sur les lieux.

Dans les faits, faute de lits sur les étages, trois unités de débordement roulent presque en permanence. Quand la grippe a atteint des sommets, en décembre, le personnel devait traiter plus de 20 patients alités chaque jour, avec le défi de les isoler. Des ambulances sont fréquemment détournées. Et certains jours, jusqu'à trois opérations non urgentes sont annulées pour libérer des lits.

Un nombre suffisant de médecins

Ici, ce n'est pourtant pas le personnel qui manque ni l'accès aux spécialistes, affirme-t-on. Le jour, 6 médecins sont présents, avec 23 infirmières, 4 auxiliaires et 5 préposés. Quatre médecins montent la garde en soirée, deux durant la nuit. «Il faut que la radiologie puisse accueillir les patients, le personnel des autres services aussi, explique la Dre Robert. Si nous étions davantage de médecins pour soigner les patients aux urgences, on saturerait le système.»

La Dre Robert et le chef des urgences, Martin Reed, admettent que la situation est décourageante pour les patients. «Mais on est capables», disent-ils. «La durée moyenne d'attente sur les civières devrait être de 12 heures, estime la Dre Robert. Il faut viser ça. Dans un délai de 12 heures, on devrait savoir où va notre patient. Il y a sûrement un moyen d'y parvenir.»

«Les urgences, c'est la porte d'entrée d'un hôpital, ajoute Martin Reed. Quand on regarde les taux d'occupation aux urgences, il faudrait tenir compte du débordement aux étages. C'est un tout. Ce n'est pas juste la faute des urgences si ça déborde.»

Chambres à rénover

Depuis trois ans, Sacré-Coeur tente par tous les moyens de réussir. Mais force est d'admettre que la volonté ne suffit pas. Si les urgences sont flambant neuves, les étages sont vétustes. Il y a encore des chambres de quatre lits, avec des toilettes communes. Rien pour freiner les infections nosocomiales, comme le Clostridiumdifficile. À l'instar de plusieurs établissements, Sacré-Coeur espère que le ministre de la Santé, Réjean Hébert, débloquera l'argent pour moderniser les étages. Récemment, il a déclaré que tous les projets approuvés sous les libéraux sont à l'étude, et qu'il faudra déterminer les priorités. «Il y en a trop», a-t-il dit.

Malgré la crise, la Dre Robert a un message différent de plusieurs urgentologues à passer aux patients. «Il faut aller aux urgences quand on est malade et qu'on ne peut pas consulter un médecin ailleurs dans le réseau, dit-elle. Ce n'est pas vrai que les gens se présentent pour rien. Souvent, pour les gens, venir ici est le pire jour de leur vie. J'aime mieux retourner à la maison un patient qui avait mal à la tête, et qui n'avait rien, que de le savoir seul et inquiet, à la maison.»