Des résidences pour personnes âgées autonomes s'apprêtent à éliminer des services pour éviter d'être sous le coup de nouvelles normes plus sévères et coûteuses.

Le gouvernement Marois doit adopter sous peu un nouveau règlement pour encadrer les quelque 2000 résidences pour aînés du Québec. Ce règlement instaurerait officiellement, pour la première fois, deux catégories de résidences: pour personnes âgées autonomes et semi-autonomes. Les normes sont plus sévères pour la deuxième catégorie, notamment en vertu du Code du bâtiment et pour ce qui est du nombre d'employés.

Seules les résidences pour personnes semi-autonomes seraient autorisées à offrir des «services d'assistance personnelle». Ces services vont de la distribution de médicaments à l'aide pour l'alimentation, l'hygiène ou l'habillage. Il n'est pas question de soins infirmiers. Il s'agit plutôt, par exemple, d'aider une personne âgée à se mettre des gouttes dans les yeux ou à enfiler des bas de soutien.

Or, de 85 à 90% des résidences pour personnes autonomes offrent ce type de soins à l'heure actuelle, selon Yves Desjardins, président du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA). Elles deviendraient du jour au lendemain des établissements pour aînés semi-autonomes, en vertu du nouveau règlement. Selon M. Desjardins, les normes qui s'y appliqueraient feraient augmenter les loyers et aggraveraient les ennuis financiers de plusieurs résidences.

Des propriétaires veulent donc mettre fin aux services d'assistance personnelle pour éviter d'être classées dans la catégorie «semi-autonomes». «Il y en a qui vont le faire parce que c'est beaucoup plus coûteux d'être semi-autonome. Un propriétaire de quatre résidences en Abitibi, de 635 unités, a déjà décidé de le faire», a indiqué M. Desjardins.

Transfert aux CLSC

Les aînés qui souhaitent obtenir des services d'assistance personnelle devront se tourner vers leur famille ou les CLSC. Or, ces derniers sont débordés. Et ils négligent les personnes qui habitent dans des résidences, accuse M. Desjardins. «On l'a dit au gouvernement: si vous nous mettez ça trop serré, vous risquez d'avoir le problème. Mais il vit avec le risque et pense qu'il n'y aura pas de problème. Jusqu'à maintenant, on nous dit qu'il n'y aura pas de changements[au règlement]», a-t-il ajouté.

La protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, a dénoncé elle aussi le fait que les résidences pour personnes âgées autonomes ne pourraient plus offrir de services d'assistance personnelle. «Est-ce à dire qu'une personne habitant cette catégorie de résidence pour aînés devra déménager dès qu'elle aura besoin d'un peu d'aide pour se souvenir des heures de repas? Ou simplement pour mettre ses bas le matin?», se demande-t-elle dans un avis transmis au gouvernement l'an dernier. Elle recommande à Québec de revoir la définition des catégories. De son côté, le RQRA propose de s'inspirer d'autres provinces canadiennes et de créer trois catégories (autonomes, soins légers et soins lourds) qui auraient des normes propres.

Le nouveau règlement découle de la loi que le gouvernement Charest a adoptée pour améliorer la qualité des services dans les résidences pour aînés. La première mouture du règlement a été déposée - mais pas adoptée - par les libéraux le 30 mai. Le gouvernement Marois a repoussé l'adoption du règlement, prévue en novembre. Une source confirme que le dossier a été abordé lors de la réunion du Conseil des ministres, mercredi. Il devrait de nouveau en être question à la réunion du 30 janvier. Au cabinet du ministre de la Santé et des Services sociaux, Réjean Hébert, on a refusé de commenter l'affaire.