Olivier* est monté dans l'autobus les yeux rivés sur sa console de jeu. Pendant que ses camarades blaguent et se chamaillent un peu, il continue à faire danser ses pouces à un rythme effréné sur les boutons de son appareil.

Moins d'une dizaine de minutes plus tard, la bruyante petite troupe sort de l'autobus pour s'engouffrer entre les murs du centre ÉPIC, affilié à l'Institut de cardiologie de Montréal.

Au cours des prochaines heures, comme chaque dimanche, ils feront du sport et apprendront à adopter de bonnes habitudes de vie. Ils ont tous été sélectionnés par la clinique de pédiatrie sociale du Dr Julien afin d'éviter qu'un surplus de poids ne leur occasionne des problèmes de santé. Ils ont entre 8 et 15 ans.

Au programme cette journée-là: badminton, jogging et jeux de poursuite, puis une capsule nutrition. «On veut les faire bouger, de n'importe quelle façon, explique Jean-François Larouche, kinésiologue au centre ÉPIC. Ils sont à un âge où ils doivent essayer le plus de choses possible.» Le jeune homme, fraîchement sorti de l'université, est l'un des professionnels de la santé qui animent le projet.

Familles défavorisées

«C'est vraiment poche comme musique!» En trottinant pendant 10 minutes sur la piste de course avec ses camarades, Adèle ne se gêne pas pour faire connaître ses goûts musicaux. Une intervenante de la clinique du Dr Julien note le nombre de tours que fait chaque jeune.

Certains joggent en chaussettes, parce qu'ils n'ont pas de souliers. Simple oubli d'adolescent ou problème plus sérieux?

«On voit effectivement des familles qui vivent dans de mauvaises conditions de vie, où l'alimentation n'est pas terrible, où le sport n'est pas valorisé», explique le pédiatre Gilles Julien. «C'est le milieu dans lequel on travaille.»

Le projet vise d'ailleurs à faire de ces enfants des têtes de pont pour qu'ils aient un impact sur leur famille et leur communauté. Même si le nombre de jeunes qui se déplacent chaque semaine n'est pas très élevé, «on pense que ça peut créer un effet de contagion dans leur environnement à eux», indique le cardiologue Martin Juneau, directeur de la prévention à l'Institut de cardiologie.

Couronné de succès

Le centre ÉPIC, plus importante infrastructure du genre au Canada, était peu utilisé le dimanche. Et M. Juneau était attristé de voir des adultes relativement jeunes éprouver des problèmes cardiaques après avoir souffert de diabète depuis leur enfance. C'est ce qui l'a poussé à mettre ce projet sur pied avec le Dr Julien.

Trois mois seulement après le début du projet, les deux médecins parlent déjà d'une belle réussite.

D'abord sur le plan de la santé. «Il y a au moins une stabilisation du gain de poids, ce qui est déjà beaucoup», explique Gilles Julien.

Assise sur un gigantesque ballon de caoutchouc, Édith confirme ce fait sans détour et sans euphémisme. «Avant, j'avais un surplus de poids, dit-elle en se pinçant légèrement le ventre. Maintenant, je n'en ai plus.»

«Mais il y a surtout cette motivation qui est très, très difficile à insuffler à cet âge-là», ajoute le pédiatre.

Assiduité

Le faible taux de roulement est d'ailleurs inhabituel pour ce type d'activité, non obligatoire et qui demande un réel effort de la part des jeunes.

«Ce qui nous surprend, c'est que ça tient. Et ils en redemandent», explique le Dr Julien.

Olivier est reparti le nez plongé dans sa console de jeu. Un regard pour ne pas tomber en montant dans l'autobus. Un autre pour payer son billet. Il ne sera jamais un athlète, ni un apôtre du tofu. Mais, le temps d'un après-midi, ses pouces ont pu se reposer. Et ses jambes s'activer.

* Le nom des jeunes a été modifié afin de préserver leur anonymat.