Les radiologistes qui font le dépistage du cancer du sein ont compris le message du Collège des médecins du Québec, qui, en mars dernier, les a obligés à prendre le virage numérique. À la lumière de l'enquête de 18 mois qu'a menée le Collège concernant de mauvaises lectures de mammographies - qui a démontré que 109 cancers du sein chez des femmes n'avaient pas été détectés -, la quasi-totalité des cliniques et hôpitaux a délaissé les vieux films, a constaté La Presse. Un changement de cap qui entraîne cependant des coûts astronomiques pour le réseau.

Il y a 6 ans, au Québec, on comptait seulement 2 mammographes numériques (sur un total de 130) pour faire rouler le Programme de dépistage du cancer du sein (PQDCS) destiné aux femmes de 50 à 69 ans. Aujourd'hui, près de 90% des appareils - 109 sur un total de 122 - sont numériques. Dans les 94 établissements accrédités de la province, il ne reste donc que 13 appareils classiques de détection du cancer du sein.

L'Institut de la statistique du Québec (ISQ), qui a reçu le mandat de se pencher sur un projet-pilote numérique mené à Trois-Rivières en 2011, estime que les films seront dès l'an prochain vestiges du passé. Dans la foulée de son dernier rapport sur le contrôle de la qualité des installations de mammographies de dépistage, il note que la technologie numérique a forcé les centres à obtenir une nouvelle accréditation, conformément aux obligations du PQDCS. En 2011, 16 accréditations ont été annulées et 19 nouvelles ont été accordées.

«Les annulations ne veulent pas nécessairement dire que les centres ne répondaient pas aux critères, précise le physicien Raymond Carrier, auteur principal du rapport. Ça peut vouloir dire qu'ils ont cessé de procéder à des mammographies à l'intérieur du programme québécois.»

Hausse des coûts

Au lendemain du dévoilement des conclusions de l'enquête du Collège des médecins sur les mammographies, le Dr Frédéric Desjardins, président de l'Association des radiologistes du Québec, avait affirmé que plusieurs radiologistes refuseraient dorénavant de lire des mammographies. Il avait également soutenu que le virage numérique occasionnait des coûts de 350 000$ à près d'1 million, selon la technologie choisie.

Pour pallier ces coûts, le gouvernement a accordé des honoraires 15% plus élevés aux cliniques privées qui utilisent la technologie numérique. Les hôpitaux ont bénéficié d'une subvention totale de 6 millions. Au ministère, on a rappelé hier que la technologie numérique est aussi performante que les films traditionnels. Elle permet toutefois un plus grand volume et une amélioration de la précision dans certains cas - notamment dans les cas de prothèses mammaires ou pour la détection de microcalcifications, un indicateur de cancer.