Les nouvelles directives du gouvernement qui forcent les hôpitaux à procéder par appels d'offres pour embaucher des infirmières d'agences privées commencent à porter des fruits. Partout au Québec, à l'exception de quelques régions, le recours à la main-d'oeuvre indépendante a nettement diminué cette année. Une première depuis cinq ans au Québec, a observé La Presse.

À Montréal, où le recours aux agences privées de soins infirmiers est considéré comme un fléau par les syndicats, 94,1% des heures régulières et supplémentaires ont été réalisées par du personnel des établissements, en 2011 et 2012, selon des données obtenues par La Presse. Il n'en demeure pas moins que près de 1,4 million d'heures de travail ont dû être faites par des infirmières du privé durant cette même période, soit 5,9%. C'est encore beaucoup, mais moins qu'en 2009-2010, époque où les établissements pouvaient procéder de gré à gré. Cette année-là, près de 2 millions d'heures avaient été accomplies par des infirmières d'agence (7,4%).

En serrant la vis aux directions d'établissements de santé, le gouvernement cherche à diminuer le recours aux agences privées de 40% d'ici cinq ans. Avec ces données, il est question d'une diminution de 11,4% depuis 2010. «Il ne faut pas se péter les bretelles, il y a encore beaucoup de travail à faire, dit Daniel Gilbert, vice-président de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). Mais on constate que depuis notre dernière entente avec le gouvernement, des postes à temps partiel ont été transformés en temps complet, ce qui a certainement aussi pesé dans la balance.»

Pour la première fois, l'hôpital Maisonneuve-Rosemont a réussi à renverser la tendance des volumes importants d'heures données au privé des dernières années. À la direction, on explique que la main-d'oeuvre indépendante en soins infirmiers a réalisé 3,5% des heures cette année, comparativement à 3,75% pour la même période l'an dernier. L'établissement doit faire de grands efforts pour recruter des infirmières, surtout aux urgences et aux soins intensifs, mais on souligne qu'une série de mesures donne des résultats, dont des horaires atypiques plus flexibles.

À Laval, où il n'y a qu'un seul hôpital pour desservir tout le territoire, le recours à la main-d'oeuvre a diminué de 50% depuis 2009. En ce qui concerne les infirmières, on parle d'un recours au privé qui est passé de 9,5% à 5,8% en trois ans. Afin d'y arriver, la région a misé sur une réorganisation du travail et des horaires, ainsi que sur des campagnes massives de recrutement.

La baisse du recours au privé dans les grands centres se traduit toutefois par une hausse dans les régions éloignées. Dans le Bas-Saint-Laurent, où on ne se tournait pas vers les agences privées il y a cinq ans, on a fait appel à leurs services cette année pour accomplir 17 746 heures de travail, soit 0,9% de toutes les heures travaillées par des infirmières.

René Lavoie, responsable des ressources humaines pour l'agence de la santé de cette région, explique que les centres de santé et de services sociaux de Matane et de Mitis ont eu des problèmes avec l'organisation du travail, et que de jeunes infirmières sont attirées par les grands centres. La région de la Capitale-Nationale a aussi de la difficulté à réduire sa dépendance au privé. Les agences privées, qui reçoivent la part du lion depuis cinq ans, n'ont pas donné suite à nos demandes d'entrevue.