Les Canadiens ont de moins en moins de connaissances sur le VIH/sida, lequel est perçu comme moins grave qu'avant, selon un sondage que La Presse a obtenu grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Ces constats inquiètent les intervenants québécois en la matière.

Selon ce sondage, la majorité des Canadiens possède des connaissances de base sur le sida, mais elles ont diminué depuis 10 ans.

Par exemple, 27% des Canadiens ignorent que le VIH/sida n'est pas guérissable même s'il est soigné à temps. C'est 8% de plus qu'en 2006. Ils sont aussi moins nombreux à savoir qu'une personne peut être séropositive pendant 10 ans avant de souffrir du sida et que les sidéens ont du mal à se défendre de maladies ordinaires, dont le rhume.

Les Canadiens ont également plus de mal à nommer les principaux modes de transmission du virus. Seulement 63% d'entre eux savent que le VIH peut s'attraper au cours d'une relation sexuelle non protégée entre un homme et une femme, soit 13% de moins qu'en 2006.

L'enquête a été menée le printemps dernier par la firme EKOS pour le compte de l'Agence de la santé publique du Canada.

«On régresse en matière de connaissances, et ça ne me surprend pas, dit le Dr Réjean Thomas, fondateur de la clinique L'Actuel. C'est ce qu'on voit dans notre bureau: les gens se mélangent entre sida, VIH, trithérapie, vaccin...»

La faute à l'absence de sensibilisation

À quoi cette baisse de connaissances est-elle due? Les intervenants consultés par La Presse l'attribuent à l'arrêt des cours d'éducation sexuelle dans les écoles, au manque d'intérêt des médias et au fait qu'il n'y ait pas de campagne de sensibilisation gouvernementale.

Le manque de connaissances peut mener à des comportements sexuels à risque, souligne le Dr Thomas. «Ça peut aussi générer des préjugés et de la stigmatisation», ajoute Ken Monteith, directeur général de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida.

Bien que les Canadiens soient de plus en plus à l'aise en présence de personnes porteuses du virus, la stigmatisation est toujours bien présente. Encore aujourd'hui, un Canadien sur cinq serait mal à l'aise de côtoyer un collègue porteur du VIH/sida au bureau.

Maladie moins grave?

Par ailleurs, le sondage indique que moins de la moitié des Canadiens (47%) considèrent que le VIH/sida est une maladie très grave, une proportion bien inférieure à celle des répondants qui trouvent très graves le cancer (85%) et les maladies du coeur (73%).

Le tiers des Canadiens (33%) sont d'avis que le VIH/sida est un problème moins sérieux qu'il y a 10 ans, un taux plus élevé qu'en 2006 (21%) et qu'en 2003 (23%).

Ce constat n'étonne pas Linda Farha, porte-parole de la Fondation Farha. «Lorsqu'on fait des collectes de fonds, on constate que les gens voient le sida comme étant de moins en moins grave parce que les gens vivent plus longtemps grâce aux médicaments», dit-elle.

S'ils sont aussi nombreux qu'avant à porter le condom, les Canadiens sont moins nombreux à le faire pour diminuer le risque d'attraper ou de transmettre le VIH/sida (17% en 2012 contre 25% en 2006). «La peur n'est pas là», s'inquiète Mme Farha, dont le frère Ron a succombé à la maladie.

«Le danger, c'est de croire que le problème est réglé», ajoute Réjean Thomas, qui souligne que la prévention demeure essentielle. «En un sens, le sida est plus grave que le cancer et les maladies cardio-vasculaires à cause de la stigmatisation», ajoute-t-il.

Le sondage a été réalisé au téléphone auprès de 2000 Canadiens entre le 1er mars et le 1er mai 2012. Sa marge d'erreur est de 2,2 points de pourcentage, 19 fois sur 20.

- Avec William Leclerc