Il n'y a pas si longtemps, il était partout. Puis, plongé dans la controverse, il a commencé à s'éloigner des projecteurs. Aujourd'hui dans la ligne de mire de l'escouade Marteau, l'ancien patron du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), Arthur Porter, a quitté le pays et semble injoignable. Portrait d'un homme d'affaires aux multiples casquettes, de qui plusieurs personnes attendent des réponses.

C'est de loin le contrat le plus important sur lequel enquête l'escouade Marteau: les policiers tentent de vérifier si le processus d'attribution du contrat de 1,3 milliard pour la construction du nouvel hôpital a été truqué en faveur de SNC-Lavalin et de Tony Accurso. Et si l'ancien directeur général du CUSM, le Dr Arthur Porter, leur a ouvert la porte.

Il faudra du temps pour clore le dossier. Les enquêteurs ont une foule de documents à analyser à la suite de leur perquisition dans l'établissement, la semaine dernière. Le Devoir a aussi révélé qu'ils ont mis la main sur d'autres documents à Infrastructure Québec.

En attendant, malgré de nombreuses démarches, il semble impossible d'obtenir les commentaires d'Arthur Porter.

«Je ne sais pas où il est»

«Je sais qu'il est à l'étranger quelque part, mais je ne saurais même pas vous dire sur quel continent. Je ne sais pas si vous êtes en mesure de le retracer quelque part dans le monde», nous a dit Philippe Couillard, ex-ministre de la Santé, à propos de celui qui a été son ami et, brièvement, son associé.

«Il n'est pas au Canada, je ne sais pas où il est», a déclaré son avocat, Me André J. Côté.

Des messages laissés par La Presse à diverses personnes pour le Dr Porter sont aussi restés lettre morte.

Le contraste est frappant par rapport aux années qui ont suivi le recrutement aux États-Unis du médecin d'origine sierra-léonaise, en 2004. Avec son éternel noeud papillon, il était partout: gestionnaire d'un centre médical privé aux Bahamas, président du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSAR, l'organisme qui surveille les espions canadiens), dirigeant d'une entreprise minière en Sierra Leone, membre du conseil d'administration d'Air Canada, conseiller du président de la Sierra Leone, ambassadeur plénipotentiaire de ce pays au Canada et franc-maçon.

Tout ça en dirigeant un CUSM engagé dans un projet de construction titanesque.

Des liens délicats

Arthur Porter a commencé à se retirer de la sphère publique lorsque le National Post a révélé ses tractations ratées avec Ari Ben Menashe, lobbyiste installé à Montréal, qui a été agent israélien avant de représenter le gouvernement russe, et qui a été mêlé à des histoires de trafic d'armes. M. Porter a confirmé au Post qu'il avait donné 200 000$ à Ben Menashe dans l'espoir d'obtenir des investissements russes dans son entreprise en Afrique.

Des liens délicats pour Porter, qui avait accès à des secrets de sécurité nationale au CSAR. Le médecin a donc démissionné de l'organisme.

Ben Menashe garde un souvenir amer de l'expérience. «Beaucoup de gens disent que c'est un problème d'être associé à moi, dit-il. Mais selon moi, c'est un problème d'être associé au Dr Porter.»

Dans la foulée de cette affaire, un sénateur conservateur a révélé que le Dr Porter lui avait offert un poste de consul honoraire de la Sierra Leone. Le Dr Porter a finalement démissionné du CUSM en décembre 2011.

Il a ensuite vendu une de ses propriétés montréalaises et a quitté le conseil d'administration d'Air Canada.

«Décalage horaire»

Les personnes qui ont encore des liens avec lui à Montréal ont peu à dire.

L'Université McGill dit être «en discussion avec lui» pour qu'il rembourse le solde d'un prêt de 500 000$ qu'il avait demandé à l'institution lors de son recrutement et qu'il a utilisé pour acheter un luxueux appartement.

Sur papier, Arthur Porter est toujours coactionnaire d'une entreprise de consultants avec Philippe Couillard, mais il s'agit d'une coquille vide qui n'a finalement jamais servi depuis sa création en 2010. «On avait formé cette petite structure-là, qui ne s'est jamais matérialisée. Ça n'a jamais rien fait, cette affaire-là, c'est zéro, des pages blanches», dit M. Couillard.

Seul le président de Golden Valley Mines, qui compte Arthur Porter dans son conseil d'administration, a proposé de transmettre notre demande d'entrevue, en précisant que la réponse pourrait venir à n'importe quelle heure, «à cause du décalage horaire».