La consommation de stéroïdes et d'autres substances censées améliorer la performance physique gagne en popularité. Cela inquiète les milieux policiers et de la santé. Au Texas, un père de famille mène une croisade pour sensibiliser les gens à ce fléau à la suite de la mort de son fils.

La consommation de stéroïdes est difficile à chiffrer. Mais sa popularité, bien réelle et croissante chez les jeunes hommes en quête d'un corps musclé, oblige plusieurs intervenants à prendre le phénomène au sérieux.

«C'est en quelque sorte de l'anorexie masculine», résume Alexandra Bwenge, urgentologue et membre de l'Association québécoise des médecins du sport.

«On le voit, mais on a du mal à se l'expliquer, ajoute la Dre Bwenge. Et tout ça pour l'apparence...»

Cette vogue force le Service de sensibilisation aux drogues et au crime organisé de la Gendarmerie royale du Canada, à Montréal, à adapter ses campagnes de prévention. «La plupart des gens associent les drogues de performance au sport, mais aujourd'hui c'est beaucoup plus vaste que ça», affirme le caporal Jacques Théberge.

Au centre Dollard-Cormier, où l'on traite toutes sortes de dépendances, la popularité croissante des stéroïdes préoccupe les intervenants, bien que le phénomène demeure marginal. «Ça touche surtout des jeunes hommes soucieux de leur image ou qui ont été victimes d'abus. Ça répond à des stéréotypes véhiculés par les magazines et les émissions de téléréalité», constate Gilles Cuillerier, conseiller-cadre à la direction générale du centre.

«C'est assurément lié à la mode des douchebags. Ce sont des gens qui s'entraînent depuis peu de temps et veulent être rapidement à la mode», ajoute Laurent Francoeur, entraîneur dans un gym montréalais.

Selon lui, les stéroïdes (qu'on appelle «sauce», «juice» ou «stock» dans le milieu) sont très faciles à trouver dans les salles d'entraînement et sur l'internet. «La drogue provient de laboratoires clandestins et s'échange entre amis. Sinon, on en trouve sur des forums de culturistes en quelques clics», explique Laurent Francoeur.

Dans l'univers des gyms, les usagers de stéroïdes sont aisément repérables, dit la Dre Bwenge. «Oui, vous allez prendre de la masse musculaire, dit-elle. Oui, vous allez être plus fort; oui, vous allez courir plus vite et lancer la balle plus loin.»

Mais il y a aussi, plus subtils, les dommages collatéraux: «Ça peut être aussi bénin que l'acné, mais ça peut aussi entraîner de la gynécomastie (croissance des seins) et la réduction des testicules, qui peut conduire à des problèmes de fertilité», dit Mme Bwenge.

Les gens s'injectent le produit dans les muscles des épaules, des fesses, des genoux.

Société d'image

Le psychologue sportif Bruno Ouellet dénonce la banalisation des stéroïdes et de tous ces suppléments alimentaires au goût du jour. «Ça parle beaucoup des valeurs sociales dans notre société d'image. On a une attitude «dopante».»

Selon le psychologue, le problème est particulièrement troublant chez les jeunes. «Leur identité est fragile, leur estime de soi est faible et ils sont plus influençables.»

Le tabou autour de ces substances est alimenté par une profonde méconnaissance du sujet. On trouve très peu de renseignements sur les stéroïdes et autres produits de performance. Même les médecins ont du mal à évaluer les dangers à moyen et long terme de ces substances.

Du côté des policiers, la chasse aux consommateurs de stéroïdes n'est pas une priorité. À part le démantèlement de quelques laboratoires clandestins, les corps policiers interrogés avaient peu de faits à relater sur le sujet. Seule la GRC semble posséder une expertise, toutefois limitée.

Difficile aussi de connaître la provenance de la drogue ou de savoir qui domine le marché. «On ne sait pas trop si c'est structuré ou contrôlé par des organisations criminelles comme les autres drogues. Mais les stéroïdes n'ont pas le même impact et génèrent moins de problèmes sociaux. Notre priorité est la sensibilisation», dit le caporal Théberge.

Son confrère Jonathan Michaud, coordonnateur adjoint à la section des stupéfiants de Montréal, dénonce aussi la banalisation de ces produits et souligne le danger de les consommer à l'aveugle. «L'obsession d'obtenir des résultats rapides est un problème social. Si t'as la chance de prendre 15 livres en un an, c'est O.K., mais en quatre mois c'est encore mieux!»

M. Michaud ajoute que le problème est encore plus répandu aux États-Unis ou en Europe, où de gros scandales associés aux stéroïdes ont éclaté. Chez nous, les controverses de cette nature font rarement les manchettes. M. Michaud rappelle l'affaires des foot- balleurs du Rouge et Or de l'Université Laval suspendus après s'être fait prendre avec des stéroïdes en mai 2011.

À Montréal, quatre agents du Service de police de la Ville de Montréal ont été arrêtés en avril dernier pour possession de stéroïdes. Ils ont été mutés à des tâches administratives en attendant leur enquête.