Plus de la moitié des pensionnaires des maisons de retraite reçoivent inutilement des antipsychotiques, un puissant médicament destiné à soigner la schizophrénie. C'est quatre fois plus que chez les personnes âgées qui vivent chez elles ou chez leurs enfants, selon une nouvelle étude canadienne.

«Les lignes directrices sont claires, on ne doit plus utiliser les antipsychotiques pour traiter la démence», dit Joseph Puyat, psychologue de l'Université de Colombie-Britannique, qui publie cette semaine son étude dans le Journal canadien de psychiatrie. «On ne doit s'en servir que pour les schizophrènes, qui ne forment même pas 0,5% de la population âgée.»

Pourquoi cet abus? «Ce sont d'anciennes habitudes», dit M. Puyat, qui a étudié plus de 30 000 dossiers médicaux dans sa province. «Le personnel s'en sert pour réduire l'agitation et l'agressivité. De plus, les personnes âgées qui vivent dans des établissements sont plus susceptibles d'être confuses et de ne pas pouvoir bien expliquer leurs symptômes et les effets des médicaments.»

Le psychologue de la Colombie-Britannique a également analysé les dossiers de 11 000 schizophrènes adultes, pour voir s'ils étaient bien traités. Sa conclusion: les pauvres et les riches sont beaucoup moins susceptibles (presque deux fois moins) que la classe moyenne d'être traités avec plusieurs molécules. Ils sont aussi moins susceptibles d'avoir la même médication depuis plus de six mois.

«Ce sont deux indicateurs d'un bon traitement, spécifique au patient, explique M. Puyat. Nous pensons que les pauvres sont moins susceptibles que la classe moyenne d'avoir les ressources nécessaires, notamment les moyens de transport et l'accompagnement, pour faire un bon suivi avec leur médecin et le personnel soignant et aller chercher tous leurs médicaments.»

Et les riches? «Certaines études montrent qu'ils ont des symptômes moins graves de la schizophrénie, pour des raisons qu'on comprend mal, dit M. Puyat. Peut-être qu'il y a plus d'encadrement non médical.»

L'étude de M. Puyat divisait l'échantillon d'adultes en cinq portions, selon le revenu. Les riches composaient le quintile plus élevé et les pauvres, le quintile le plus bas.