Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a demandé jeudi au coroner en chef d'ordonner une enquête publique sur l'éclosion de légionellose à Québec, qui a touché 151 personnes et causé neuf décès au cours des dernières semaines.

«Est-ce qu'il y a lieu d'aller plus loin qu'une investigation du coroner? La réponse est oui, a déclaré M. Dutil en entrevue avec La Presse Canadienne. Dans les circonstances, une enquête publique permettra d'aller au fond des choses afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise dans le futur.»

La décision du ministre de la Sécurité publique a été annoncée quelques minutes avant que l'avocat Jean-Pierre Ménard et Mme Solange Allen, dont le mari est décédé de complications dues à la légionellose, ne tiennent une conférence de presse pour réclamer une enquête publique.

Claude Desjardins, l'époux de Mme Allen, est décédé le 19 août, moins d'une semaine après l'apparition des premiers symptômes. Tombé malade le mardi précédent, il ne s'est présenté en clinique que le jeudi, croyant souffrir d'une simple grippe. Sa médecin l'a immédiatement envoyé à l'hôpital, qui a diagnostiqué la légionellose le vendredi soir.

«Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi le ministère de la Santé n'a pas envoyé des tracts aux gens pour les informer puisqu'il savait très bien qu'il y avait déjà eu trois décès avant mon mari, a déploré la dame. Si je l'avais su, qu'est-ce que vous pensez que j'aurais fait? J'aurais dit à mon mari d'aller tout de suite à l'hôpital pour qu'il reçoive les bons antibiotiques et il ne serait pars mort.»

Elle a aussi affirmé avoir trouvé choquant que le ministre de la Santé, Yves Bolduc, rejette la faute de l'actuelle éclosion sur l'inaction du gouvernement péquiste, qui était au pouvoir lors de la publication d'un rapport sur une précédente éclosion de légionellose à Québec en 1996, alors que son propre gouvernement n'a pas donné suite aux recommandations du rapport.

«J'ai été très blessée d'entendre le ministre de la Santé dire que c'était la faute de l'autre gouvernement. Moi, dans ma tête, ça ne marche pas comme ça», a confié Solange Allen.

De son côté, Me Ménard a demandé à ce que l'enquête publique fasse non seulement la lumière sur la cause de l'éclosion de légionellose, mais également sur la manière dont elle a été gérée par les autorités.

«Dans cette situation, la population est en droit de s'attendre à la plus grande transparence de la part du ministère de la Santé», a indiqué l'avocat spécialisé en droit de la santé, qui a laissé entendre que la source de l'éclosion avait déjà été identifiée, mais que le gouvernement était réticent à la révéler publiquement.

«Le ministère de la Santé doit protéger la population plutôt que les gens qui causent des risques sanitaires, a affirmé Jean-Pierre Ménard. S'il y a des propriétaires de tours de refroidissement qui ne les ont pas entretenues comme il le faut, il n'y a pas de raisons de cacher leur identité ou de les protéger.»

Le maire de Québec, Régis Labeaume, a lui aussi demandé au directeur de la Santé publique, le docteur François Desbiens, «de faire preuve de la plus grande diligence et de transparence à l'égard de la divulgation de la liste des tours inspectées».

«Malgré tous les efforts déployés par les équipes de la Santé publique, supportées par la Ville de Québec, on constate que des propriétaires n'ont toujours pas répondu à l'ensemble des demandes et ne suivent pas les pratiques usuelles d'entretien», déplore le maire Labeaume dans un communiqué.

Aussi appelée «maladie du légionnaire», la légionellose est une infection pulmonaire grave causée par une bactérie qui se développe dans l'eau et qui peut être transmise par le biais des systèmes de climatisation, de chauffage et de refroidissement.